Le microcrédit, une réponse pertinente pour les jeunes précaires ? En 2009, dans son analyse des besoins de la population, le centre communal d’action sociale (CCAS) de Besançon mettait en exergue l’augmentation des situations de pauvreté chez les moins de 25?ans. Leurs difficultés d’insertion professionnelle (contrats précaires, temps partiel) se conjuguaient avec des difficultés d’accès à un logement autonome. Or ce public était mal connu du CCAS et aucune aide spécifique ne lui était dédiée. Un an plus tard, un même constat était fait par le CCAS de Grenoble. Dès lors, les deux villes, répondant à un appel à projets du ministère de la Jeunesse, se sont lancées dans l’expérimentation d’un microcrédit à taux zéro avec un volet spécifique pour les jeunes. Le Crédoc vient de publier un rapport évaluant ces dispositifs pour la période 2009-2012 (1).
A Besançon comme à Grenoble, cette évaluation s’est heurtée à la lente montée en charge du dispositif, malgré des campagnes de communication auprès de la population, des prescripteurs potentiels (missions locales et conseils généraux) et dans les lieux fréquentés par les jeunes. Alors que le CCAS bisontin s’était fixé l’objectif de 50 bénéficiaires de microcrédit, seuls 8?prêts ont été accordés en 2010, 12 en 2011 et 6 de janvier à avril 2012. Le CCAS grenoblois n’en a accordé que 16 au total. Ces prêts, octroyés sur la base des capacités futures de remboursement, intervenaient en dernier ressort, uniquement pour les situations ne pouvant bénéficier d’aucune aide ou microcrédit de droit commun. Cet outil était donc conçu comme une aide au démarrage dans la vie. Il était couplé à un accompagnement social et budgétaire assuré par une conseillère en économie sociale et familiale (CESF). Dans les deux villes, la tentative de mettre en place des formations à la gestion budgétaire sous forme de réunions collectives a échoué faute de candidats intéressés.
La plupart des microcrédits attribués ont concerné des projets de permis de conduire ou d’achat de véhicule. Quelques jeunes ont souhaité financer un stage ou une formation, l’installation dans un nouveau logement, un déménagement ou encore l’achat de matériel informatique. Les montants accordés se sont échelonnés de 300 à 3 000 € avec, par conséquent, des durées de crédit allant de six mois à deux voire trois ans.
Les bénéficiaires interrogés par le Crédoc déclarent n’avoir pas eu de difficultés à rembourser leurs mensualités. Ils estiment que leur situation a été bien étudiée et que les mensualités et l’échelonnement du remboursement étaient adaptés. Ce sentiment est d’autant plus fort que les jeunes se sont sentis parties prenantes dans le montage du dossier et que leur référente a été « à l’écoute », sans être « étouffante ou maternante ». Ce discours est corroboré par les CESF. Les statistiques des CCAS sur le déroulement des remboursements confirment qu’il n’y a pas eu de problèmes particuliers d’impayés ou de retards de paiement.
Les situations étudiées, même si elles sont peu nombreuses, montrent que le microcrédit contribue à l’insertion socioprofessionnelle en permettant la réalisation d’un projet qui ne trouve aucune autre solution de financement. Par exemple, pour un bénéficiaire demandeur d’emploi, l’achat d’une voiture a permis d’élargir le périmètre des offres auxquelles il postulait. Un autre jeune a pu réaliser un stage à l’étranger, ce qui a enrichi son CV. Mais « cette hypothèse mériterait cependant d’être confirmée par un suivi à plus long terme d’un nombre de jeunes plus conséquent », pointe le Crédoc. L’évaluation montre que les bénéficiaires ont aussi tiré de cette expérience une certaine estime de soi puisqu’ils se sont sentis responsabilisés.
L’étude relève, par ailleurs, que ces deux dispositifs ont modifié l’image qu’avaient les jeunes des CCAS, qui apparaissent comme des lieux ouverts à tous et non pas uniquement aux personnes sans ressources. Pour le Crédoc, ce microcrédit « jeunes » pourrait être généralisé à l’ensemble des CCAS, à condition de réaliser un important travail de communication et d’information auprès de la population et des partenaires.
(1) « Evaluation de deux dispositifs de microcrédit » – Collection des rapports n° 306 – Décembre 2013 – Disp. sur