Lors de sa séance du 15 avril, le Haut Conseil de la famille (HCF) a adopté un avis et une note sur l’opportunité et les contours d’un éventuel reprofilage des aides à l’accueil des jeunes enfants (1). Le HCF a plus précisément étudié « l’opportunité de réformer » les participations financières des parents pour l’accueil individuel ou collectif de jeunes enfants de moins de 6 ans. En effet, il relève que, dans le système actuel, les restes à charge des parents et leurs taux d’effort sont très différents selon le dispositif utilisé. Il pointe également le manque de cohérence de la superposition des aides des caisses d’allocations familiales (CAF) et du crédit d’impôt pour frais de garde des jeunes enfants, deux dispositifs au calendrier et à la logique différents. Ainsi, il plaide pour la mise en place « d’une aide unifiée pour les familles, à enveloppe budgétaire constante », afin de rendre « le système actuel plus cohérent, plus équitable et plus simple pour les familles ». Cette aide unique étendrait le barème mis en place pour l’accueil collectif en établissement d’accueil du jeune enfant (EAJE) à l’accueil par un assistant maternel. Elle permettrait également de « solvabiliser mieux les familles » qui ont besoin d’un volume important d’heures d’accueil de leur jeune enfant et serait davantage modulée en fonction des revenus des parents, précise le HCF. Toutefois, au regard de l’analyse des impacts du reprofilage des participations des parents pour les familles et les CAF qu’elle a effectuée, la caisse nationale des allocations familiales (CNAF) émet des réserves sur la mise en place de la réforme proposée car elle entraînera des coûts importants liés au changement du système d’information des CAF (2).
Dans le système actuel, en cas de recours à un EAJE, la CNAF impose l’application d’un barème national en échange du versement de la prestation de service unique (PSU) (3). Ce barème définit un reste à charge des familles par heure facturée d’accueil. En cas de recours à un assistant maternel, l’aide versée, qui est le complément de libre choix du mode de garde (CMG) de la prestation d’accueil du jeune enfant (PAJE), comprend : la prise en charge intégrale des cotisations et contributions sociales et une prestation en espèces qui couvre en partie la rémunération nette de l’assistant maternel. Il est à noter que le reste à charge des parents (avant crédit d’impôt) est égal à la différence entre les dépenses supportées par les parents (salaire, indemnité d’entretien et frais de repas) et le montant du CMG.
Le HCF propose de mettre en place une aide unique, à enveloppe budgétaire constante, qui étendrait le barème mis en place pour l’accueil collectif en EAJE à l’accueil par un assistant maternel. Cette aide permettrait :
→ de laisser à la famille un reste à charge horaire le plus unifié possible, qu’elle ait recours à un EAJE ou à un assistant maternel ;
→ un reste à charge proportionnel aux ressources des parents ;
→ que le montant de l’aide publique (aide versée par la CAF plus crédit d’impôt) soit proportionnel au nombre d’heures d’accueil.
Selon le HCF, cette aide tiendrait mieux compte du nombre d’heures de recours au mode d’accueil du jeune enfant et serait davantage modulée en fonction des revenus des parents. En pratique, les parents continueraient de verser chaque mois sa rémunération à l’assistant maternel (en fonction des paramètres convenus ensemble – salaire horaire, indemnité d’entretien et frais de repas – et du nombre d’heures d’accueil), et déclareraient ces éléments à Pajemploi (4). Le CMG serait ensuite versé à la famille par la CAF compte tenu des éléments déclarés. La prise en charge des cotisations et contributions sociales à 100 % par la CAF pour l’accueil par un assistant maternel serait maintenue. Quant au crédit d’impôt, il continuerait à être versé par les services fiscaux en N + 1, mais sa logique serait modifiée en devenant « un crédit d’impôt horaire ».
Le HCF propose par ailleurs de plafonner l’aide publique accordée pour l’emploi d’un assistant maternel à un coût maximal horaire. Pour mémoire, dans le système actuel, il existe « deux garde-fous pour cantonner le coût de la garde solvabilisée par la CAF ». Le versement des deux volets du CMG « assistant maternel » (prise en charge des cotisations et contributions sociales à 100 % et prestation en espèces) est conditionné à un salaire journalier de l’assistant maternel par enfant ne dépassant pas l’équivalent de cinq SMIC horaires. Parallèlement, il existe, pour les EAJE, un seuil d’exclusion pour le prix de revient horaire au-delà duquel la PSU n’est plus versée. Dès lors, afin de contenir le risque inflationniste sur la rémunération que demande l’assistant maternel, « un coût horaire plafond de la garde [pourrait] être introduit au-delà duquel le surcroît de dépenses est pris en charge par la famille » (à l’exception des cotisations sociales). La diversité des coûts en fonction des zones géographiques serait également prise en compte.
Le HCF définit les différents paramètres de la réforme :
→ un taux horaire (ou taux pilote) de 0,06 % du revenu des parents pour les participations familiales en se calant sur le barème de l’accueil collectif ;
→ un crédit d’impôt horaire de 0,60 € afin de garantir une neutralité budgétaire de la fiscalité ;
→ une structure de barème issue du barème actuel de l’accueil collectif : réfaction du taux en fonction du nombre d’enfants de la famille, taux horaire proportionnel au revenu entre un plancher de ressources (égal au montant du revenu de solidarité active majoré pour une personne seule) et un plafond (4 722 €) et intégration des indemnités d’entretien et des frais de repas (en cas de recours à un assistant maternel) dans les dépenses couvertes par l’aide publique, puisque c’est le cas pour les EAJE ;
→ un niveau du coût plafond par heure d’accueil du jeune enfant à 4 € pour limiter le risque inflationniste. Ce plafond de 4 € par heure de garde pour l’ensemble des frais de garde versés à l’assistant maternel (salaire net, indemnités d’entretien et frais de repas) est un plafond au-delà duquel les dépenses des parents ne sont pas prises en charge par la CAF.
Ainsi, le HCF relève que, avec le barème réformé, les restes à charge et les taux d’effort sont moins élevés, sauf lorsque le coût de la garde et la durée sont faibles. En effet, les familles qui ont un faible coût horaire et un faible recours à la garde (100 heures par mois) et des ressources supérieures à 1 400 € par mois, sont potentiellement perdantes. Par exemple, pour un recours de 100 heures par mois et un coût horaire total de la garde de 3,60 € (salaire net horaire de 2,70 €), une famille qui gagne 2 000 € par mois voit son reste à charge passer de 35 à 60 € par mois. En revanche, lorsque le coût horaire ou la durée de l’accueil sont élevés, les familles sont mieux solvabilisées. Par exemple, pour faire garder son enfant à temps plein (200 heures par mois), même avec un coût horaire total de la garde relativement faible (3,50 € par heure avec 2,70 € de salaire horaire net), une famille percevant 2 000 € mensuels doit actuellement faire face à un reste à charge de 318 € mensuels contre 120 € avec le barème réformé. Autre exemple, avec un coût horaire total de la garde plus élevé (4,40 € par heure avec 3,60 € de salaire horaire net) et alors même que le coût de la garde au-delà de 4 € par heure reste à la charge de la famille, cette même famille serait encore plus gagnante avec le barème réformé puisque son reste à charge serait de 202 € par mois contre 498 € par mois actuellement.
Enfin, le HCF suggère également une « solution de repli » pour le CMG « assistant maternel », à enveloppe constante : il s’agirait de mettre en place un barème plus linéaire à partir de sept tranches de revenus nets des parents pour obtenir un CMG plus proportionnel, donc plus équitable pour les familles.
(1) Avis et note disponibles sur
(2) Voir l’annexe 8 de la note.
(3) Voir ASH n° 2856 du 18-04-14, p. 44.
(4) Pajemploi est une offre de service du réseau des Urssaf. Elle est destinée à simplifier les formalités administratives pour les parents employeurs qui font garder leur (s) enfant (s) par une assistante maternelle agréée ou une garde d’enfants à domicile.