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Inapplicable, le principe de l’encellulement individuel doit être aménagé, propose le contrôleur général des prisons

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Dans un récent avis (1), le contrôleur général des lieux de privation de liberté s’est penché sur la mise en œuvre du principe de l’encellulement individuel, dont l’application sera stricte à compter du 25 novembre prochain dans les maisons d’arrêt (2). Actuellement, l’administration pénitentiaire « pratique un numerus clausus de fait dans les établissements pour peines, en n’y affectant des condamnés qu’à mesure que des places sont disponibles », constate Jean-Marie Delarue. Mais il n’en va pas de même dans les maisons d’arrêt, en « tension permanente » (3), où l’encellulement individuel « est une situation très rare, accordée aux personnes détenues dans des quartiers particuliers (isolement, discipline), souvent à vocation punitive ou de désocialisation, ou présentant des situations particulières ». Pour déroger au principe de l’encellulement individuel, le gouvernement a permis aux établissements pénitentiaires qui ne peuvent y faire droit de proposer au condamné son transfèrement dans un établissement dans lequel il peut être seul en cellule. Une situation inacceptable pour le contrôleur général, l’intéressé ayant ainsi à choisir entre l’encellulement individuel et la proximité de l’établissement avec sa famille. L’application uniforme du principe de l’encellulement individuel lui paraissant impossible, il formule trois solutions « théoriquement possibles ».

Pour un retour progressif à l’encellulement individuel

Jean-Marie Delarue propose par exemple de « prendre […] une nouvelle disposition législative destinée à offrir un nouveau délai de plusieurs années avant la mise en œuvre d’un régime “normal” d’encellulement individuel ». Toutefois, reconnaît-il, une telle solution ne serait « pas satisfaisante en ce qu’elle se borne à enregistrer une situation très dommageable aux personnes détenues, prévenues comme condamnées, sans perspective d’amélioration autre que de moyen terme ».

Autre proposition : laisser expirer le dernier moratoire et donner, sans qu’il soit besoin de modifier la loi, leur plein effet aux articles 716 et 717 du code de procédure pénale. La première disposition précise que les prévenus en détention provisoire sont placés en cellule individuelle. Le second article pose le principe de l’encellulement individuel de jour et de nuit pour les condamnés placés en maisons d’arrêt et de nuit seulement dans les établissements pour peines. Et, dans les deux cas, des dérogations sont possibles si les intéressés en font la demande ou si leur personnalité justifie que, dans leur intérêt, ils ne soient pas laissés seuls, ou en raison des nécessités d’organisation du travail. Si cette solution est « en apparence favorable aux personnes détenues », elle risque d’être en réalité « expéditive et sans portée » au regard du taux de surpopulation carcérale. Et « les incertitudes qui pèsent sur les effets d’une nouvelle sanction pénale [la contrainte pénale, qui vise aussi à désengorger les prisons (4)] que le Parlement doit encore adopter ne permettent pas le choix de s’affranchir résolument des restrictions en vigueur ».

Reste alors une troisième solution, pour Jean-Marie Delarue, « de portée plus modeste, qui consiste à commencer à rétablir l’encellulement individuel […] au bénéfice de certaines catégories de personnes détenues, déterminées par un texte réglementaire ». Toutefois, celle-ci requiert la mise en œuvre de deux préalables, à commencer par « desserrer l’étreinte de la surpopulation carcérale », afin notamment de redonner aux maisons d’arrêt des marges de manœuvre. Ensuite, il faut « assurer la protection des personnes détenues sujettes à des pressions contraires à leur dignité », estime le contrôleur général, qui préconise l’institution de quartiers destinés à les abriter dans tous les établissements, en particulier pour hommes, au-dessus d’un seuil d’effectifs déterminé par leur règlement. Des quartiers qui doivent, bien sûr, maintenir l’accès à l’ensemble des droits en vigueur en détention (promenades séparées, accès aux activités…).

« Ces préalables réalisés, il reste aux pouvoirs publics à assurer le développement de la vie personnelle, condition nécessaire à la réinsertion », indique Jean-Marie Delarue. Dans ce cadre, souligne-t-il, « certaines catégories de personnes détenues, appelées à s’accroître dans le temps, doivent avoir l’assurance d’être affectées dès à présent selon le principe de l’encellulement individuel », telles que les personnes souffrant de handicaps ou en perte d’autonomie (en raison de pathologies invalidantes ou encore de surdité), les personnes âgées de plus de 65 ans et les personnes de nationalité étrangère qui ne comprennent pas le français. Concrètement, le contrôleur général propose de soumettre au Parlement une loi qui interdirait pendant cinq ans aux maisons d’arrêt de déroger à ce principe, s’agissant de ces publics spécifiques. Pour les autres catégories de personnes, précise-t-il, « un décret élargira à mesure des possibilités leur vocation à bénéficier de l’encellulement individuel ».

Des règles plus strictes pour l’isolement et les cellules collectives

Plus globalement, le contrôleur général souligne que « cette manière de faire doit aussi permettre de redonner un sens plus restreint à l’usage du quartier d’isolement des établissements » qui, selon lui, ne doit être utilisé « que pour les personnes dont le chef d’établissement estime qu’elles font courir des risques au personnel ou aux codétenus et non simultanément, comme aujourd’hui, aux personnes qui demandent à être protégées des autres ». D’ailleurs, ajoute-t-il, l’isolement devrait faire l’objet d’un « encadrement plus strict par les dispositions en vigueur, de manière en particulier que la durée maximale en soit réduite, en raison de ses conséquences ».

Jean-Marie Delarue saisit également cette occasion pour insister sur la nécessité d’un programme d’investissement spécifique devant « conduire à la disparition rapide dans les établissements pénitentiaires, y compris ceux d’outre-mer, de ces cellules appelées “chauffoirs”, où s’entassent cinq, six personnes ou davantage ». Mais, « pour les personnes qui, sans ambiguïté ni pression, choisissent librement d’accomplir leur détention dans une cellule partagée (trois au plus), les plans et les budgets des établissements doivent prévoir de véritables aménagements de cellules collectives, assortis de la superficie (12 à 14 m2 pour deux, 15 à 19 m2 pour trois) et de l’ameublement adéquats », conclut-il. Des recommandations qui pourraient figurer dans le projet de loi que le contrôleur général a suggéré sur les dérogations à l’encellulement individuel.

Notes

(1) Avis du 24 mars 2014, NOR : CPLX1408488V, J.O. du 23-04-14.

(2) En effet, si la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009 a réaffirmé ce principe, elle a toutefois prévu un moratoire de cinq ans pour les maisons d’arrêt, qui court depuis le 25 novembre 2009 (voir ASH n° 2682 du 12-11-10, page 43). Un tel moratoire avait déjà été décidé en 2003 et a expiré le 12 juin 2008.

(3) Au 1er mars 2014, le taux de surpopulation carcérale s’élevait à 137,5 %.

(4) Voir ASH n° 2836 du 6-12-13, p. 51.

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