« Avez-vous déjà croisé ces enfants qui ne parlent pas ? […] Qui ne voient rien. Ou du moins qui voient des choses que vous ne voyez pas. […] Qui se balancent, chacun à leur rythme, indéfiniment. Qui se frappent en cadence, qui se mordent les mains ? » De ces enfants rendus par leur (s) handicap (s) extrêmement dépendants de leurs parents, il n’est pas directement question tout au long de ce beau livre, même s’ils y sont bien sûr omniprésents. C’est sur leurs mères que Chantal Bruno braque le projecteur, à partir de sa double casquette de paire de ces femmes rencontrées depuis une trentaine d’années dans les institutions, les associations ou sur le Net, et de professionnelle du handicap, formatrice de travailleurs sociaux. Ces derniers sont précisément les premiers destinataires de son propos. L’auteure est en effet convaincue que les intéressés ne peuvent pas cheminer auprès de familles fracassées par le handicap avec pour seul viatique un savoir savant. Claudette, Sophie, Eliane et d’autres : l’auteure se sent liée à toutes les femmes qui ont connu, connaissent ou connaîtront cette « expérience ultime » que constitue la naissance d’un enfant handicapé, toutes les mères qui mettent leur vie entre parenthèses « sans mot dire, sans maudire », les indécrottables guetteuses d’espoir qui attendent tout des professionnels, puis parfois qui n’attendent plus rien. Du dévoilement du handicap à la lancinante préoccupation de l’« après-nous » et de ce qu’il adviendra alors pour l’enfant, Chantal Bruno invite les intervenants du médico-social à entrer dans le monde des parents et à « se laisser toucher sans avoir peur ».
Mère d’un enfant handicapé, pourquoi moi ?
Chantal Bruno – Ed. érès – 20 €