Exploration en enclave urbaine

Villiers-le-Bel, Val-d’Oise, 27 000 habitants, 46 % de logements sociaux, cinq quartiers classés en politique de la ville et, depuis novembre 2007, une image tenace : celle d’une poudrière prête à s’enflammer à la moindre étincelle. A l’époque, deux nuits d’émeutes, consécutives à la collision entre une voiture de police et deux jeunes à moto, avaient placé sous les feux des projecteurs une ville jusqu’alors plutôt méconnue, éclipsée par sa voisine à la réputation sulfureuse, Sarcelles. Fin 2010, longtemps après les « événements », c’est dans le quartier de la Cerisaie, visé par un important programme de rénovation urbaine, que le reporter graphique Damien Roudeau est venu flâner, carnet à la main, à l’ini­tiative d’une agente de développement local. Il y est resté pendant trois ans. Trois ans de « tourisme », au gré des rencontres de hasard, pour témoigner de la vie et de l’identité d’un quartier enclavé, ses habitants comme « séquestrés dans une impasse ». Fidèle à sa « pratique exploratoire », le jeune dessinateur a tiré de cette expérience en immersion un carnet de rencontres incroyablement documenté, mêlant portraits d’habitants, photos, plans, extraits de rapports officiels, etc. Le lecteur y découvre une réalité contrastée, des rêves de gosses éclosant entre les murs lépreux, la mobilisation des familles et leur implication dans les projets de rénovation, la confrontation entre logique urbaine et lo­gique participative… Jusqu’à la démolition, à l’été 2013, du bâtiment des Clématites, le plus délabré de la cité : quatre jours à peine pour « renverser un demi-siècle d’histoires, d’anecdotes, de rires et de drames ». Cet ouvrage paraît alors même que la nouvelle école maternelle Louis-Jouvet, destinée à remplacer celle qui a été incendiée au plus fort des émeutes et dont le chantier a été particulièrement lent, devrait enfin ouvrir ses portes. Un signe positif pour le renouveau du quartier – à condition de ne pas s’en tenir là, constate le jeune auteur, car « il ne suffit pas de rénover et réhabiliter pour calmer un sentiment d’injustice et de mépris ».