La prévention des risques professionnels encourus par les étudiants en travail social sur leurs lieux de stage pourrait-elle être un autre grand sujet de l’alternance intégrative ? L’association Sophie, créée en 1995 après le décès d’une élève éducatrice, victime d’un acte de violence lors de son stage de deuxième année, verrait en tout cas d’un bon œil que cette réflexion émerge sur le plan national.
Après avoir élaboré une « charte du stagiaire » adoptée par le conseil général de Seine-Maritime et citée en 2002 par le Conseil supérieur du travail social dans son rapport « Violence et champ social », l’association avait dans la foulée rédigé un modèle de convention de stage. Selon celui-ci, l’étudiant « ne doit pas pallier l’absence d’un titulaire », doit bénéficier dès son arrivée des informations et formations relatives aux risques professionnels, et être toujours accompagné d’un professionnel ou intervenir seul à certaines conditions à partir d’un certain niveau de formation. L’association souhaiterait que tous les sites qualifiants puissent appliquer ces dispositions qui ont déjà inspiré, du moins dans leur esprit général (la notion d’encadrement continu notamment), les conventions de stage proposées par l’Institut de développement social de Canteleu (Seine-Maritime).
Depuis octobre 2012, l’association Sophie a adressé trois courriers à la ministre des Affaires sociales et de la Santé – restés sans réponse –, envoyé sa convention-type aux établissements de formation et souhaite mobiliser l’Unaforis (Union nationale des associations de formation et de recherche en intervention sociale) sur la question. Parmi les établissements, « seul l’IRTS de Paris Ile-de-France nous a répondu favorablement », déplore Jean-Pierre Leray, vice-président de l’association, son directeur ayant indiqué tenir compte de ces propositions dans l’adaptation des conventions de stage découlant du décret du 19 août 2013. En application de la loi « Fioraso » du 22 juillet dernier relative à l’enseignement supérieur et à la recherche – qui a élargi la gratification à tous les lieux de stage – le texte renforce l’encadrement des stagiaires. Il rappelle qu’aucun ne peut être employé pour remplacer un salarié et précise le contenu des conventions de stage. Le décret, et la nécessaire mobilisation des employeurs dans le cadre de la généralisation de la gratification, « amène les établissements à revoir leurs conventions en précisant davantage les objectifs du stage, qui concourent à un intérêt partagé entre l’employeur et le stagiaire », explique Diane Bossière, directrice générale de l’Unaforis. Selon elle, « la question de la sécurisation prend toute sa place dans cette démarche de formalisation plus claire de l’encadrement du stagiaire. » Une volonté de cadrage qui va encore plus loin dans la proposition de loi tendant au développement, à l’encadrement des stages et à l’amélioration du statut des stagiaires, adoptée le 25 février dernier par les députés et dont l’examen au Sénat est prévu le 29 avril. Le texte vise à développer la qualité des stages et à éviter que ces derniers ne se substituent à des emplois, en renforçant notamment des contrôles de l’inspection du Travail. « Il est de ce point de vue vertueux pour le respect du stagiaire et sa sécurisation », souligne Diane Bossière.
Pour autant, les doutes subsistent sur l’opportunité d’appliquer en tant que telles les propositions de l’association Sophie. « Est-ce que des dispositions dans une convention peuvent permettre le « risque zéro » ? Je crois davantage en la qualité du travail du site qualifiant, en la construction de l’accompagnement du stagiaire et au contenu de la convention pédagogique », estime à titre personnel Chantal Cornier, vice-présidente de l’Unaforis et directrice de l’Institut de formation des travailleurs sociaux d’Echirolles (Isère). « Sans compter qu’accompagner tous les étudiants par un professionnel irait à l’encontre de la dynamique d’apprentissage, en limitant les stages à de l’observation, au moment où l’on généralise la gratification… » Si elle doit être étendue au sujet plus large des conditions de l’alternance, chacun s’accorde à dire que la question de la prévention des risques, permanente pour les professionnels, mérite aussi d’être posée pour les stagiaires à l’heure où le législateur s’attache à renforcer leurs droits.