Le coût des formations en centres de rééducation professionnelle (CRP) suscite régulièrement des interrogations sur la légitimité de ces établissements, financés à la fois par l’assurance maladie (coûts de fonctionnement), l’Etat et/ou les régions (pour la rémunération des stagiaires) et par des acteurs locaux. Ces structures – au nombre de 84 en France – offrent à des victimes d’accidents du travail, de maladies et à des personnes souffrant de déficiences physiques, mentales ou psychiques, reconnues travailleurs handicapés, des parcours formatifs sur mesure, dans le cadre d’un accompagnement médico-social. Ces formations plus longues (de 10 à 30 mois) que celles du droit commun reviennent-elles forcément plus cher ? Deux études distinctes tentent d’éclairer cette question.
La première, menée en 2012 par KPMG auprès de 11 centres de rééducation professionnelle de l’Ugecam (1), s’intéresse à leur valeur ajoutée économique et sociale. Elle permet d’estimer le coût moyen global par stagiaire en CRP – 46 500 € (2) – en le comparant au coût moyen global d’une formation prise en charge dans un dispositif de droit commun – 28 044 € –, tout en mettant en avant le retour sur investissement. En effet, l’étude montre qu’une formation en CRP suivie d’un retour à l’emploi (pour 55 % des diplômés dans un délai de six mois) est amortie en 26 mois (3). Quant aux stagiaires ne réussissant pas à se réintégrer, une grande partie reçoit une allocation de type AAH, ARE, ASS ou RSA (4). En les incluant dans le calcul du retour sur investissement, la formation en CRP est amortie en 40 mois (auquel il convient d’ajouter le coût des prestations sociales versées sur cette durée aux personnes n’ayant pas réussi à retrouver un emploi, soit en moyenne 7 544 €). Selon le même calcul, dans les organismes de droit commun, où le taux moyen de retour à l’emploi n’est que de 30 % pour les personnes handicapées, la formation est amortie en 53 mois (auxquels s’ajoutent 19 716 € de prestations sociales). Au terme de cinq ans, en partant d’un effectif de dix stagiaires ayant suivi une formation, le résultat pour la collectivité représente un gain total net cumulé de 54 000 € pour les formations suivies en CRP et une dépense totale nette cumulée de 213 000 € pour les formations de droit commun. Plus le taux d’emploi est élevé, plus la collectivité en tire profit sur une longue durée, conclut l’étude. « L’accompagnement médico-psycho-social et pour l’insertion professionnelle propre au CRP est pour beaucoup dans ce retour à l’emploi », se félicite la Fédération des associations, groupements et établissements pour la réadaptation des personnes en situation de handicap (Fagerh), qui salue cette étude « pragmatique ».
Elle est plus dubitative quant aux objectifs de l’étude Mazars, pilotée par la direction générale de la cohésion sociale (DGCS) et finalisée en décembre dernier (5). Celle-ci avait pour ambition de mieux connaître les prestations des centres de rééducation professionnelle (et des écoles de reconversion professionnelles) et de classer les établissements en groupes présentant des caractéristiques structurelles de coûts comparables. En étudiant 37 établissements, elle a pu regrouper les formations diplômantes et professionnalisantes en 14 secteurs d’activité et 63 typologies de métiers. Quant au coût par jour d’un stagiaire, il a été évalué à 163 €. Ce chiffre recouvre des facturations très différentes avec un écart de 1 à 2,4 en fonction des établissements. Il montre aussi que les formations ne représentent que la moitié du coût global des prestations, l’accompagnement correspond au quart des facturations et le dernier quart est attribué à l’hébergement-restauration. Là aussi, d’un établissement à l’autre, le pourcentage des différentes prestations varie considérablement. Faute d’homogénéité – taille de la structure, niveau des formations, conventions collectives, étendue du catalogue de formations… –, l’étude n’est donc pas parvenue à constituer des groupes de structures présentant des facteurs de coûts communs.
Pour la Fagerh, cette étude « met en exergue la diversité et la complémentarité des prestations proposées dans les établissements et permet de distinguer avec précision les prestations réalisées : accompagnement pour l’accès aux soins, pour l’insertion professionnelle, soutien psychologique. Elle représente donc un outil pour faire comprendre et connaître les établissements et leur donner de la visibilité auprès de nos partenaires : ARS, préfets… » Interrogée par les ASH, la DGCS se contente de souligner que la suite des travaux est en cours, sans toutefois s’exprimer sur les objectifs de cette commande. Le cabinet Mazars indique qu’une future étude permettrait d’approfondir la problématique de regroupement des centres et de poursuivre les investigations au niveau des coûts du personnel. Des travaux auxquels la Fagerh souhaite être associée. Pour l’heure, la fédération pointe que le nombre de places en CRP (7 350 personnes accueillies en 2012) reste insuffisant au regard des besoins en insertion professionnelle des travailleurs handicapés. Elle a elle-même initié une étude (financée par la caisse nationale de solidarité pour l’autonomie et la caisse nationale d’assurance maladie, elle devrait paraître en juin) afin d’évaluer les besoins en places de préorientation.
(1) Disponible sur
(2) Cette somme se répartit ainsi : fonctionnement du CRP, 29 700 € ; rémunération + charges + frais, 16 800 €.
(3) Sur les 83 % de stagiaires qui obtiennent leur diplôme à l’issue de la formation en CRP, 55 % occupent un emploi à six mois et 65,5 % à 24 mois.
(4) Allocation aux adultes handicapés, allocation d’aide au retour à l’emploi, allocation de solidarité spécifique ou revenu de solidarité active.
(5) Disponible sur