En matière de droit au séjour, les conjoints de Français de nationalité étrangère (non-communautaires) sont traités moins favorablement que les conjoints de ressortissants d’autres Etats membres de l’Union européenne résidant en France. Cette situation, dénoncée de longue date par les associations de défense des droits des étrangers, vient d’être reconnue par le défenseur des droits qui, dans une décision du 9 avril (1), demande au ministère de l’Intérieur de procéder à une modification substantielle de certains articles du code de l’entrée et du séjour des étrangers et de l’asile (Ceseda) pour mettre un terme à ce qu’il considère comme une discrimination. Et appelle la Place Beauvau à lui rendre compte des suites données à ses recommandations dans un délai de trois mois.
Plusieurs règles imposées – au nom de la lutte contre les mariages de complaisance, pour la plupart – aux conjoints de Français mariés en France posent problème. En premier lieu, l’obligation de détenir un visa de long séjour (VLS) pour obtenir un titre de séjour en tant que conjoint de Français. Or un tel visa est souvent difficile à obtenir. Des personnes retournées dans leur pays pour cela « attendent parfois pendant de longs mois sa délivrance ». Des délais excessifs qui ne sont pas justifiés puisque les actes d’état civil ont déjà été contrôlés avant la célébration du mariage en France. Les difficultés existent même pour ceux qui bénéficient de la procédure de délivrance d’un VLS simplifiée – réservée à l’étranger entré régulièrement en France et qui y séjourne depuis plus de six mois avec son conjoint –, qui ne nécessite pas de retourner dans le pays d’origine. En effet, indique le défenseur des droits, « il ressort de certaines réclamations […] que les préfectures appliquent de manière illégale [cette] possibilité de solliciter et d’obtenir un visa de long séjour sur place en opposant aux demandeurs d’autres conditions non prévues par les textes lors de l’enregistrement de leur demande : nécessité de produire un justificatif de résidence en France par mois, nécessité de démontrer qu’elle est entrée en France durant la période de validité du visa lorsque la personne a transité par un autre pays de l’Union européenne ou lorsqu’elle est entrée par un autre moyen de transport que l’avion, entraînant ainsi l’absence de tampon d’entrée sur le passeport du demandeur ».
Dans le même temps, il ressort du Ceseda que, contrairement au citoyen français, le ressortissant d’un autre Etat de l’Union européenne peut mener une vie familiale normale en France avec son conjoint étranger sans que ce dernier soit obligé de détenir un visa de long séjour. En conséquence, le défenseur des droits propose d’exempter de cette obligation les conjoints de Français dont la communauté de vie n’a pas cessé depuis le mariage.
Une fois passé l’obstacle du VLS, les couples mariés dont le conjoint étranger parvient à bénéficier d’une carte de séjour portant la mention « vie privée et familiale » rencontrent d’autres types de difficultés, liées à la nature même de ce titre de séjour d’une validité d’une année, note le défenseur des droits. En effet, la loi du 24 juillet 2006 relative à l’immigration et à l’intégration a supprimé la délivrance de plein droit des cartes de résident au bénéfice des conjoints de Français (ces derniers ont simplement la possibilité de demander une telle carte lorsqu’ils justifient de trois ans de mariage et d’une intégration républicaine). Or, pour le défenseur des droits, la possession d’une carte de séjour temporaire implique pour le bénéficiaire des difficultés d’ordre pratique et juridique dans de nombreux domaines (lourdeur des démarches administratives liées au renouvellement annuel des titres, accès à l’emploi compliqué par la précarité du titre, etc.). Et, de fait, un traitement défavorable par rapport à une personne placée dans une situation comparable qui détiendrait une carte de séjour d’une durée plus longue. Tel l’époux étranger d’un ressortissant européen résidant en France, qui bénéficie de plein droit d’un titre de séjour d’une durée identique à celle de son conjoint, quelles que soient les modalités de son entrée sur le territoire français. Les titres de séjour délivrés aux ressortissants communautaires sont en effet, « pour la grande majorité d’entre eux », d’une durée égale à cinq ans.
Face à ce constat, le défenseur des droits préconise de réintégrer la règle existante avant la loi du 24 juillet 2006, permettant aux étrangers conjoints de Français de bénéficier d’une délivrance de plein droit de la carte de résident à la condition d’être mariés depuis au moins deux ans et de ne pas avoir rompu la communauté de vie commune.
Le défenseur des droits pointe encore du doigt l’obligation de poursuite de la vie commune imposée pour le renouvellement de la carte de séjour temporaire (hors décès du conjoint). En particulier en cas de violences conjugales. En effet, là où le Ceseda reconnaît un pouvoir discrétionnaire à l’administration lorsqu’elle examine une demande de renouvellement de séjour de l’étranger conjoint de Français victime de violences conjugales, le droit européen, quant à lui, impose le maintien du droit au séjour. Le défenseur propose que, de la même façon, le renouvellement soit de droit pour les conjoints de Français victimes de violences.
(1) Décision n° 2017-071 du 9 avril 2014.