Trois mois après les premières tendances livrées en janvier dernier par un Manuel Valls qui était alors encore pensionnaire de la Place Beauvau (1), le ministère de l’Intérieur a rendu publiques, le 10 avril, des statistiques qui donnent une photographie un peu plus nette du phénomène migratoire en France en 2013 (2).
Parmi les chiffres communiqués, le plus sensible concerne le nombre de régularisations d’étrangers en situation irrégulière. L’ancien ministre de l’Intérieur l’avait estimé à environ 10 000 régularisations supplémentaires et présenté comme une « conséquence conjoncturelle » de l’entrée en vigueur de la circulaire « Valls » du 28 novembre 2012 (3). Les données fournies aujourd’hui par le ministère confirment l’impact de la circulaire sur le nombre de premiers titres de séjour créés. Il se mesure par la différence entre les créations de titres pour 2012 et pour 2013 pour la plupart des catégories relevant de la circulaire, comme :
→ les parents sans papiers d’un ou de plusieurs enfants scolarisés (6 045 ont ainsi été régularisés à ce titre en 2013 contre 57 en 2012) ;
→ les conjoints d’étrangers en situation régulière qui ne répondent pas entièrement aux critères ouvrant droit au regroupement familial (2106 titres délivrés à ce titre contre 29 en 2012) ;
→ les mineurs devenus majeurs (612 régularisations en 2013 contre 8 l’année précédente) ;
→ ou bien encore les mineurs devenus étudiants (334 titres délivrés l’an dernier contre seulement 7 en 2012).
Au total, le nombre des « admissions exceptionnelles au séjour » est passé de 23 294 en 2012 à 35 204 en 2013, soit 11 910 titres de séjour en plus (+ 51 %). Mais le bilan total des régularisations est supérieur car, au-delà de ces admissions exceptionnelles, il inclut des sans-papiers qui ont obtenu un droit quasi automatique à un titre de séjour (étrangers régularisés après la naissance d’un enfant français, le mariage avec une personne de nationalité française ou pour maladie). Le ministère n’a toutefois pas communiqué de chiffre global sur le sujet.
Plus globalement, la primo-délivrance des titres de séjour à des ressortissants de pays tiers a progressé en 2013 par rapport à l’année précédente, avec un total de 206 330 titres de séjour délivrés, contre 193 120 en 2012 et 193 031 en 2011.
L’immigration familiale représente toujours la plus grande part du flux migratoire et, avec notamment l’impact de la circulaire « Valls », a connu une hausse de 8,4 % au total (94 457 titres délivrés contre 87 170 en 2012). Autre source d’immigration, les étudiants ont été, selon les estimations du ministère, près de 63 000 à être admis au séjour à ce titre, contre 58 857 en 2012 (+ 7 %). Une progression qui s’explique, selon la Place Beauvau, « par un regain d’attractivité de la France après l’abrogation de la circulaire du 31 mai 2011 relative à l’immigration professionnelle » (4). Viennent ensuite, avec 17 754 titres délivrés en 2013, les étrangers faisant valoir des motifs humanitaires – on notera à cet égard une diminution du nombre d’étrangers malades admis au séjour (6 006 contre 6 396 en 2012) –, puis les étrangers faisant valoir des motifs économiques (17 813 titres délivrés, soit une augmentation de 11 %).
Autre sujet délicat : l’asile. Le ministère de l’Intérieur indique que, de 2012 à 2013, le nombre total de demandeurs d’asile accueillis en France a progressé de 7,2 %, avec un total de 65 894 demandes. Ainsi, « l’année 2013 poursuit la progression de la demande d’asile en France enregistrée depuis 2008 », souligne la Place Beauvau, tout en faisant remarquer que cette augmentation a été plus importante dans d’autres pays de l’Union européenne. Comme l’Allemagne, qui affiche presque le double de demandes avec 127 000 demandeurs d’asile et confirme sa première place en matière d’accueil des demandeurs d’asile au niveau européen.
Le ministère note encore que le nombre de personnes s’étant vu octroyer une protection (réfugié et protection subsidiaire) en 2013 progresse : 11 415 contre 10 028 en 2012 (+ 13,8 %). Le taux d’admission est ainsi passé de 21,7 % à 24,3 %.
Après une baisse enregistrée entre 2010 et 2012 à la suite des décisions de l’ancienne majorité, le nombre de naturalisations par décret a, sans surprise, connu en 2013 une hausse de 13,5 %, avec 95 238 nouveaux Français pour l’année dernière.
Les acquisitions de la nationalité française par mariage, qui étaient restées stables depuis 2010, ont en revanche enregistré une baisse de 21,8 %, tandis que les déclarations anticipées (mineurs nés en France de parents étrangers) sont restées stables.
(1) Voir ASH n° 2846 du 7-02-14, p. 13.
(2) Disponible sur
(3) Voir ASH n° 2786 du 7-12-12, p. 41.
(4) Voir ASH n° 2763 du 8-06-12, p. 12.