« L’Europe doit protéger davantage les Roms contre les violences racistes », clame Amnesty International dans son rapport « Nous réclamons justice », paru le 8 avril à l’occasion de la Journée internationale des Roms (1). Le document traite de la spirale des violences et des actes de harcèlement à laquelle ces populations sont confrontées, que ce soit en Grèce, où ils subissent de multiples agressions, en République tchèque, où se déroulent régulièrement de violentes manifestations anti-Roms, ou en France. Et de citer des exemples comme les cocktails Molotov lancés contre des caravanes à Lille, en juin 2013, ou l’attaque au fusil d’un groupe d’une cinquantaine de Roms à Marseille, en septembre 2012. Elle note, en outre, que, si un Rom sur cinq dans l’Union européenne a subi des violences racistes (enquête menée en 2008 par l’Agence des droits fondamentaux de l’Union européenne), une large partie d’entre eux ne signalent pas les agressions dont ils sont victimes parce qu’ils n’ont pas confiance dans la police, mais aussi parce que les enquêtes et les poursuites mettent rarement au jour la motivation raciste de ces violences. L’organisation parle de « négligence » et de « discrimination » de la part des autorités et regrette que « certains dirigeants européens préfèrent en rejeter la responsabilité sur les Roms eux-mêmes en les accusant de “ne pas s’intégrer” ». Elle exhorte, dès lors, le gouvernement français à faire preuve de « davantage de fermeté pour lutter contre les discriminations » et « à mettre en place des mesures de protection efficaces contre la pratique des expulsions forcées en exigeant l’application effective des dispositions de la circulaire du 26 août 2012 » (2). Elle appelle également la Commission européenne à user de ses pouvoirs pour « obliger les Etats à cesser de soumettre les Roms à des expulsions forcées et à la discrimination dans l’accès à l’éducation, au logement et aux autres services » (voir ce numéro, page 11).
Des revendications qui font écho au recensement des évacuations forcées pour le premier trimestre 2014, publié le 7 avril par la Ligue des droits de l’Homme et le European Roma Rights Centre. Malgré la période hivernale, celles-ci se sont poursuivies : depuis le 1er janvier, 3?428 personnes se sont fait évacuer de force de 36 lieux de vie, 2?904 par les autorités lors de 27 évacuations et 524 à la suite d’un incendie à neuf occasions. L’an dernier déjà, 3?007 personnes avaient été évacuées de force au cours de la même période. Selon les deux organisations, ces évacuations, qui ont eu lieu surtout en Ile-de-France (73 %), en Rhône-Alpes (16 %) ainsi qu’en Aquitaine (3 %) et en Provence-Alpes-Côte d’Azur (3 %), ont été faites « sans solution alternative crédible de relogement ni accompagnement social ».
Des associations de terrain, telles que Les Enfants du Canal, mettent en avant des résultats d’enquête similaires. Menée auprès de familles rom migrantes de sept bidonvilles franciliens et réalisée par des jeunes Roms de 16 à 24 ans en service civique au sein de l’association, l’enquête « Romcivic » (3) révèle que 61 % des personnes interrogées ont connu une ou plusieurs évacuations au cours des deux dernières années. Ellepointe, en outre, les conditions de vie indécentes de ces familles : 65 % n’ont pas accès à l’eau courante ; 61 % ne disposent pas de toilettes ; 90 % ne sont pas raccordées au réseau d’électricité.
(1) Disponible sur
(2) Voir ASH n° 2772 du 31-08-12, p. 20 et n° 2838 du 20-12-13, p. 34.
(3) Disponible sur