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Droits de l’enfant : le manque de cohérence des projets inquiète

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Abandonnés à quelques semaines des élections municipales, les projets d’évolution des droits des enfants, classés « sensibles », sont ressortis des cartons sitôt le nouveau gouvernement formé, resserré et dans lequel la famille hérite d’un secrétaire d’Etat, partagé avec les personnes âgées et l’autonomie. « Nous devons continuer à légiférer » sur le sujet « dans le seul intérêt de l’enfant », a rassuré le Premier ministre Manuel Valls, le 8 avril lors de son discours de politique générale. Bémol au volontarisme affiché néanmoins, le successeur de Jean-Marc Ayrault a également pris soin de ranger le dossier parmi ceux qui requièrent « de l’apaisement ».

Droits du « tiers »

Le contexte est donc loin de rassurer les partisans de la réforme globale qui avait été portée par Dominique Bertinotti. Comme annoncée, une proposition de loi censée donner suite aux travaux engagés par l’ancienne ministre a été déposée le 1er avril à l’Assemblée nationale par un groupe de députés PS et EELV. Relatif « à l’autorité parentale et à l’intérêt de l’enfant », elle ne reprend finalement qu’une partie des sujets du projet de loi resté dans les limbes. Son objectif, explique l’exposé des motifs, est de s’adapter aux « nouvelles configurations familiales », soit l’augmentation du nombre de familles recomposées, et d’« apporter des réponses pragmatiques et les outils juridiques pour garantir l’intérêt de l’enfant dans les situations du quotidien comme en cas d’accident de la vie ». Ce texte, qui ne devrait pas être examiné au Parlement avant le mois de mai, « reste très loin de toutes les préoccupations portées par le projet de loi sur la famille », déplore-t-on à la CNAPE (Convention nationale des associations de protection de l’enfant). Certes, une autre proposition de loi a été annoncée par des sénateurs socialistes sur la filiation et l’adoption, mais « nous craignons qu’en saucissonnant un projet où l’intérêt de l’enfant devait être central, il y ait une perte de cohérence », souligne Sophie Graillat, présidente de DEI (Défense des enfants International)-France. Si le texte comprend des « intentions intéressantes », le titre (avec le terme « autorité parentale » qui apparaît en gras) « fait réagir », ajoute-t-elle. « L’intérêt de l’enfant doit au contraire être la finalité de l’autorité parentale, non le fruit d’un compromis, et nous allons proposer à la commission des lois, comme nous le demandons depuis longtemps, le remplacement de cette expression par le terme de “responsabilité parentale”, bien plus conforme à l’esprit et au texte de la Convention internationale relative aux droits de l’enfant. »

La proposition de loi vise à renforcer l’exercice conjoint de l’autorité parentale en cas de séparation des parents et fixe le principe d’une résidence de l’enfant au domicile de chacun d’entre eux pour privilégier, à la place du choix « binaire » entre résidence alternée et le domicile chez l’un des parents, « l’aménagement pratique des différents temps d’accueil ». Pour renforcer l’exécution des décisions du juge aux affaires familiales et sanctionner « plus efficacement » le non-respect, par l’un des parents, des prérogatives de l’autre, un mécanisme d’amende civile est mis en place et le délit de non-présentation d’enfant est « contraventionnalisé » lors de la première infraction. Sans créer un « statut du beau-parent », jugé trop rigide, le texte vise à reconnaître la place du tiers et crée un « mandat d’éducation quotidienne ». Quand les parents sont d’accord, « il permet à un beau-parent d’accomplir les actes usuels à l’égard de l’enfant et de bénéficier d’un document qui en atteste ». Une disposition dont les contours sont particulièrement critiqués par Jean-Pierre Rosenczveig, président du tribunal pour enfants de Bobigny, qui parle d’« usine à gaz irréaliste » : « Cette proposition de loi n’est pas fondée sur le droit de l’enfant à voir clairement identifiés ceux qui exercent des responsabilités à son égard », considère-t-il également.

La médiation familiale valorisée

Un autre volet de la proposition de loi définit la médiation familiale. Il prévoit que le juge peut, pour « faciliter la recherche par les parents d’un exercice consensuel » de l’autorité parentale, leur proposer une mesure de médiation, les enjoindre de rencontrer un médiateur familial ou de prendre part à des séances de médiation. « Ces mesures permettraient peut-être à la médiation familiale de se développer, approuve Sophie Lassalle, secrétaire générale de la Fenamef (Fédération nationale de la médiation familiale et des espaces familiaux). Nous sommes plutôt satisfaits de la manière dont elle est définie, c’est-à-dire comme un moyen de restaurer le dialogue. Le texte est assez volontariste, mais pourra-t-il réellement faire changer les pratiques des magistrats et avocats ? ». La prise en compte de la parole de l’enfant n’est évoquée que dans un seul article en fin de texte, ce qui est « très pauvre », note par ailleurs Sophie Graillat.

Alors que les débats sont relancés par les initiatives parlementaires, reste à savoir ce qu’il restera des travaux lancés par l’ancienne ministre déléguée à la Famille. Le rapport « filiation, origine, parentalité » a fini par être rendu public le 8 avril, avec l’accord de l’Elysée, par la présidente du groupe de travail, Irène Théry, à l’occasion d’un colloque organisé le lendemain à l’Ecole des hautes études en sciences sociales, où elle est directrice d’études. Le rapport n’élude pas les sujets « qui fâchent », comme l’ouverture de l’assistance médicale à la procréation aux couples de femmes et de l’adoption à tous les couples. Il préconise aussi de valoriser l’adoption simple et d’élargir les compétences du Conseil national pour l’accès aux origines personnelles à l’ensemble des personnes recherchant l’accès à leurs origines. Il propose de permettre aux personnes majeures nées « sous le secret » d’obtenir « de droit » la communication de l’identité de leur mère de naissance, quand elles en font la demande.

Un autre rapport issu des travaux sur l’ancien projet de loi sur la famille – concernant l’adoption et la protection de l’enfance – devait être rendu public le 11 avril. Les deux autres, l’un sur la médiation familiale et la coparentalité, le second sur « les nouveaux droits pour les enfants », vont-ils aussi être déterrés ? Pas sûr, néanmoins, qu’ils serviront à conduire les réflexions.

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