Sexagénaires pénitentiaires

Les hommes de plus de 60 ans représentent 3,5 % des personnes écrouées. En moins de vingt ans, cette proportion a quintuplé. Près de la moitié des personnes âgées incarcérées dans un établissement pour peine le sont pour des crimes et délits à caractère sexuel. Des cinq témoins suivis par la réalisatrice Johanna Bedeau (1) on ne connaîtra pas les crimes. Le seul fait que dévoile Vieillir à l’ombre, c’est que ces sexagénaires ont été sanctionnés par de lourdes peines : dix-huit ans, vingt-cinq ans, trente ans, perpétuité. L’un des « retraités » interviewés – à visage découvert – avoue avoir trente-cinq ans de prison derrière lui à la suite de neuf condamnations. Pendant toutes ces années, il a parcouru des milliers de kilomètres dans la même cour. « La nuit, quand je rêve, je rêve de prison », avoue un autre condamné âgé, que les autres détenus appellent « l’Ancien ». Les uns semblent encore en bonne santé et profitent d’un bon suivi sanitaire et des installations sportives, les autres souffrent d’hépatite C, de cirrhose, de diabète… et espèrent secrètement pouvoir « crever sous les étoiles, pas sous le béton ».

Avec encore de nombreuses années à purger devant eux, dans quel avenir ces contemporains de Mesrine – que beaucoup admiraient– peuvent-ils se projeter ? s’interroge la réalisatrice. A leur sortie, trouveront-ils une place en maison de retraite ? dans un foyer ? auprès de leurs petits-enfants ? Leurs témoignages montrent qu’ils envisagent leur libération avec une angoisse paradoxale. Vieillir à l’ombre nous fait partager leurs réflexions, leur monde cerclé d’habitudes, les rares liens qu’ils sont parvenus à maintenir avec l’extérieur. Il montre aussi, sans aucun commentaire, le travail des conseillers en insertion et probation, des assistantes sociales et des soignants du milieu carcéral.