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Islam radical : « Il faut former les travailleurs sociaux aux techniques de sortie de secte »

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Développer la prévention et former les professionnels pour qu’ils puissent venir en aide aux familles dont un enfant est attiré par l’islam radical, telle est l’ambition du Centre de prévention contre les dérives sectaires liées à l’islam (CPDSI). Entretien avec Dounia Bouzar, sa directrice, anthropologue, ancienne éducatrice PJJ et membre de l’Observatoire de la laïcité (1).
Constatez-vous une montée en puissance de l’islam radical chez les jeunes ?

Oui. Il y a une dizaine d’années, lorsque j’étais chargée de mission au sein de la protection judiciaire de la jeunesse, j’ai mené une première recherche sur le radicalisme religieux. Il en ressortait que le discours radical atteignait surtout des jeunes de 14 à 20 ans fragilisés, sans repère paternel, parfois même toxicomanes ou délinquants. Quand, en janvier dernier, est paru mon nouvel ouvrage sur le sujet (2), dans lequel j’explique que le discours de l’islam radical relayé par Internet utilise les mêmes techniques que les sectes pour provoquer un endoctrinement des mineurs, j’ai reçu des dizaines d’appels de familles en détresse ! Je me suis rendu compte que les « gourous » avaient tellement amélioré leurs techniques d’emprise qu’ils parviennent désormais à toucher tous types de jeunes, qu’ils soient premiers de la classe ou champions sportifs, des filles et des garçons bien dans leur peau, issus de milieux favorisés et/ou dont les familles sont athées, catholiques, juives…

De quel type d’endoctrinement s’agit-il ?

Le discours de l’islam radical qui circule sur Internet profite d’un malaise passager chez le jeune pour lui faire croire que c’est le signe qu’il est élu pour appartenir à un groupe supérieur détenant la vérité. On lui dit qu’il doit mourir pour cette cause et qu’ainsi, il pourra sauver de l’enfer 70 personnes qu’il aime… On broie son histoire, sa mémoire, ses contours identitaires, son libre arbitre… On le met en rupture scolaire, amicale, sociétale et familiale. Le basculement peut se faire en moins de deux mois. Il est clairement question d’enfance en danger !

Comment les parents peuvent-ils agir ?

Les familles ne savent pas vers quels interlocuteurs se tourner. Elles vont voir des assistantes sociales, des professeurs, ou même la police. Mais personne ne les prend au sérieux. Sans doute par peur des amalgames, les professionnels hésitent à appliquer les indicateurs des dérives sectaires quand il s’agit d’islam. Pour les parents qui ne sont pas d’origine maghrébine, c’est encore plus compliqué : quand leur enfant se met à détruire les photos de famille ou à refuser l’école au nom de Dieu, ils ne savent pas situer le curseur entre conversion et endoctrinement et perdent un temps précieux avant de tirer la sonnette d’alarme.

Il fallait donc un lieu pour les aider…

Malgré mes requêtes auprès du ministère de l’Intérieur depuis plusieurs mois, rien n’a été fait en termes de prévention (3). Il y a un mois, devant la détresse et la solitude des familles, j’ai fini par mettre en place le CPDSI avec l’appui d’une ancienne experte de la mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires, d’un ancien négociateur du RAID [unité d’élite de la police nationale] et de travailleurs sociaux formés. Nous attendons l’ouverture de locaux dans plusieurs villes – Toulouse, Montbéliard, Grenoble, Paris… Et bien sûr des moyens pour faire fonctionner ces relais d’accueil, d’écoute et de partage.

Quels seront vos axes d’action ?

Le besoin premier est de construire des indicateurs d’alerte pour les professionnels. Ceux-ci devront permettre à tous, de l’instituteur à la police en passant par les intervenants sociaux, de discerner les comportements de rupture qui démontrent une emprise mentale chez le jeune. Il faudra ensuite former des travailleurs sociaux aux techniques de sortie de secte. Les éducateurs spécialisés, les animateurs des maisons de jeunes et les assistantes sociales de secteur sont en première ligne. Puis nous mettrons en place des cellules d’alerte, où les travailleurs sociaux formés pourront effectuer un travail auprès de ces familles.

Notes

(1) Dounia Bouzar a également siégé de 2003 à 2005 en tant que personnalité qualifiée au Conseil français du culte musulman (CFCM), dont elle a démissionné – Contact : www.bouzar-expertises.fr.

(2) Désamorcer l’islam radical, ces dérives sectaires qui défigurent l’islam – Ed. de l’Atelier – 20 €.

(3) Selon Le Monde du 26 mars, l’Elysée a défini le 24 mars, lors d’un conseil de défense restreint, un plan fondé sur le renseignement, la surveillance et la prévention pour contrer les filières djihadistes vers la Syrie. Les municipalités, l’Education nationale et le CFCM devraient être associés à des campagnes de sensibilisation.

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