Cinq mois après son avis sur la définition et l’encadrement du fait religieux dans les structures assurant une mission d’accueil des enfants (1) – lequel avait été commandé par le chef de l’Etat en pleine affaire de la crèche « Baby-loup » (2) –, l’Observatoire de la laïcité a diffusé, le 11 mars, un guide pratique sur le thème « Laïcité et gestion du fait religieux dans les structures socio-éducatives » (3). Elaboré dans la lignée de deux documents précédents – sur les collectivités locales et sur les entreprises privées –, il est le fruit de ses propres travaux et de ceux qui ont été menés, notamment, par le cabinet Bouzar expertises et le centre Profession Banlieue de Saint-Denis.
Son objectif est de faire le point sur les « bonnes pratiques et les réponses, encadrées par le droit, aux cas concrets » intéressant tant les salariés que les usagers. Après avoir rappelé les principes législatifs de non-discrimination religieuse, l’observatoire distingue les professionnels de la jeunesse relevant du droit public – auxquels l’obligation de neutralité s’impose – et ceux qui relèvent du droit privé. Pour ces derniers, il souligne que la liberté de manifester ses convictions – consacrée par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme – peut faire l’objet de « certaines limitations, non discriminatoires », motivées par une exigence professionnelle « essentielle et déterminante ». Ainsi, le code du travail permet à l’employeur d’apporter des restrictions « si elles sont justifiées par la nature de la tâche à accomplir et proportionnées au but recherché », ce qui signifie qu’elles ne peuvent être « générales et absolues », sans distinction de professions ou de missions. Les exigences d’impartialité et de « juste distance » demandées aux professionnels de la jeunesse « sont justifiées et proportionnées par la nature de leur tâche socio-éducative ».
Le guide liste les différents motifs autorisant ces restrictions : l’organisation du travail et des missions, les impératifs de sécurité, de santé ou d’hygiène, l’interdiction de faire du prosélytisme et le maintien des aptitudes nécessaires. La manifestation de la liberté de conscience ne doit pas, non plus, « entraver les impératifs liés à l’intérêt de la structure et à sa pérennité ». L’observatoire précise que ce dernier critère « suppose une évaluation minutieuse, au cas par cas, selon les situations et ne connaît pas de jurisprudence dans le cas de structures socio-éducatives ».
Dans le volet consacré aux usagers, le guide rappelle que la structure socio-éducative « reconnaît et respecte la pluralité de son public et les convictions personnelles et religieuses de chacun ». L’article 11 de la « charte des droits et libertés des usagers des services sociaux », prévue par la loi du 2 janvier 2002 rénovant l’action sociale et médico-sociale, reconnaît le droit à la pratique religieuse, dans la mesure où il « ne trouble pas le fonctionnement normal des établissements et services » et ne « porte pas atteinte à la liberté d’autrui ». Pour illustrer ces principes, le guide passe en revue des revendications possibles d’usagers – dans le domaine alimentaire ou des demandes de prière par exemple. Sur le port de signes religieux, il ajoute que « les équipes de professionnels gèrent les comportements liés à la visibilité au cas par cas, dans l’objectif que le port d’un signe ne provoque pas de séparation entre les jeunes (entre filles et garçons mais aussi entre filles), ni de pression entre jeunes ou de refus pour effectuer telle ou telle activité ».
(1) Voir ASH n° 2829 du 18-10-13, p. 14.
(2) En novembre dernier, la cour d’appel de Paris a contredit la décision de la Cour de cassation et confirmé la légalité du licenciement de la salariée de la crèche associative, qui avait refusé de retirer son foulard islamique pendant ses heures de travail. Cette dernière avait aussitôt annoncé sa volonté de se pourvoir en cassation, ce qui devrait amener la Haute Juridiction à se réunir en assemblée plénière sur ce cas – Voir ASH n° 2835 du 29-11-13, p. 40 et n° 2836 du 6-12-13, p. 18.
(3) Disp. sur