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Le défenseur des droits dénonce les difficultés persistantes d’accès aux soins des plus précaires

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« L’accès au droit à la santé des personnes en situation de précarité ou vulnérables n’est pas encore acquis », déplore le défenseur des droits dans un rapport transmis à l’ancien Premier ministre en mars dernier mais rendu public le 1er avril, et portant sur les refus de soins opposés aux bénéficiaires de la couverture maladie universelle (CMU), de la CMU complémentaire (CMU-C), de l’aide à l’acquisition d’une couverture maladie complémentaire (ACS) et de l’aide médicale de l’Etat (AME). Alors que ces dispositifs visent à garantir un accès universel aux soins à des publics fragilisés ou précaires, ces derniers y renoncent souvent en raison de la complexité des démarches pour en bénéficier (accès et maintien de l’ouverture des droits). Les plus précaires se heurtent en outre à une autre difficulté : celle des refus de soins illégaux des professionnels de santé. Pour mettre un terme à ces pratiques discriminatoires, Dominique Baudis formule 12 recommandations, qui découlent de l’analyse des obstacles rencontrés par les intéressés et de la nécessité de mieux piloter et de restructurer le dispositif juridique de lutte contre les refus de soins illégaux.

Simplifier et automatiser

Le défenseur des droits rappelle que le bénéfice de la CMU-C, de l’ACS et de l’AME dépend de l’accomplissement d’un parcours administratif qui se « caractérise par sa complexité » pour l’usager et les personnes chargées de sa gestion. Cette complexité, ajoutée au manque d’information, à l’incompréhension du dispositif, à la peur de la stigmatisation et au contrôle effectué par les administrations, concourt pour « une part déterminante » à ce que les bénéficiaires potentiels ne sollicitent pas leur affiliation à ces dispositifs, « s’interdisant par là même un accès aux droits auxquels ils sont pourtant éligibles ». Afin de remédier à tous ces obstacles, le défenseur des droits propose donc de mettre en place « un accès automatique » à la CMU-C au profit des bénéficiaires du revenu de solidarité active « socle », sans démarche à effectuer. Et pour les titulaires de l’ASPA, « un accès automatique à l’ACS ».

Par ailleurs, le défenseur des droits relève que les difficultés proviennent non seulement du manque d’information des usagers, mais également du déficit d’information et de maîtrise des agents et des professionnels de santé quant au public éligible à ces aides et aux conditions d’ouverture des droits. C’est pourquoi il recommande que « la Fédération de l’hospitalisation privée, la Fédération des établissements hospitaliers et d’aide à la personne privés non lucratifs et la Fédération hospitalière de France veillent au respect par leurs établissements membres du droit applicable en matière d’accès aux soins des ressortissants étrangers ».

Des refus de soins « illégaux »…

Selon le rapport, les refus de soins explicites ou directs se caractérisent par le fait, pour un professionnel de santé, de ne pas accepter, de façon assumée, de recevoir certaines personnes du seul fait qu’elles sont bénéficiaires de la CMU-C, de l’AME ou de l’ACS. Pour justifier ces refus, les professionnels de santé invoquent les contraintes administratives, les désagréments économiques ou des motifs liés à la condition sociale des bénéficiaires, poursuit-il. Le défenseur des droits propose donc notamment de « reconsidérer la dualité des dispositifs CMU-AME pour simplifier les modalités d’intervention des CPAM [caisses primaires d’assurance maladie], les démarches administratives des professionnels de santé et ainsi faciliter l’accès à la médecine de ville des bénéficiaires actuels de l’AME ». Il recommande également de mettre en place « des modules de formations et de sensibilisation des professionnels de santé sur les problématiques d’accès aux soins, de renoncement aux soins et de lutte contre les refus de soins » au cours de leur formation initiale et continue, ce qui permettrait de « déconstruire les stéréotypes et de mieux les préparer pour l’accueil des publics précaires ».

Dominique Baudis souhaite par ailleurs que l’observation des pratiques de refus de soins illégaux soit pérennisée et préconise, pour cela, « de conclure des conventions avec les ordres des professionnels de santé et la CNAM [caisse nationale d’assurance maladie] » et de prévoir « des opérations régulières de testing réalisées par des prestataires indépendants et des actions de promotion destinées à assurer un accès effectif aux soins ».

… dont l’encadrement juridique doit être clarifié

Selon le défenseur des droits, il faut envisager au sens large la question de l’encadrement juridique des refus de soins. Il y a les refus de soins légaux, les refus de soins illégaux avec un focus particulier sur les refus discriminatoires et ceux qui sont fondés sur le type de protection sociale détenu par l’usager, précise-t-il. D’où la définition large de la notion qu’il retient : « tout comportement ou pratique qui entrave l’accès aux soins des patients et/ou qui conduit, directement ou indirectement, à ne pas dispenser les soins ou traitements qu’appelle la situation du patient ». Dominique Baudis préconise donc de compléter l’article L. 1110-3 du code de la santé publique – qui prévoit qu’aucune personne ne peut faire l’objet de discriminations dans l’accès à la prévention et aux soins – « par une typologie des principales situations caractérisant les refus de soins fondés sur le type de protection sociale » ce qui permettrait « d’assurer une meilleure qualification des faits, notamment en matière de refus de soins indirects ». Il propose également de modifier cet article en instaurant « un aménagement de la charge de la preuve » en cas de plainte pour refus de soins fondé sur le type de protection sociale.

Des procédures de signalement complexes et inefficaces

Dominique Baudis pointe également la multiplicité des instances chargées de traiter les signalements de refus de soins : les CPAM, le conseil territorialement compétent de l’ordre professionnel, le défenseur des droits lui-même et le juge civil. Il paraît donc difficile pour les usagers d’identifier l’instance à saisir pour porter plainte. Il relève d’ailleurs qu’il est très peu saisi en matière de refus de soins discriminatoires ou fondés sur le type de protection sociale. Dès lors, il propose « d’autoriser les victimes présumées de refus de soins à se faire accompagner et/ou représenter par une association de défense des droits des patients, des usagers du système de santé ou des personnes en situation de précarité dans les procédures de conciliation ou les recours en justice ». Et de « confier aux agences régionales de santé [ARS] la fonction de guichet unique pour le recueil des plaintes, leur transmission aux CPAM et Ordres, et le suivi de leur instruction ». Le Conseil national de pilotage des ARS devrait aussi, selon Dominique Baudis, rédiger un rapport annuel sur cette question, qui serait transmis au ministère chargé de la santé et à lui-même.

Le défenseur des droits suggère également que la CNAM mette en place « un dispositif de recensement des pratiques illégales des professionnels de santé (dépassements d’honoraires et refus de tiers payant) afin qu’ils puissent faire l’objet d’une sanction prononcée par le directeur de l’organisme local d’assurance maladie ». Et propose de « définir des indicateurs opérationnels sur la lutte contre les refus de soins dans la convention d’objectifs et de gestion de la CNAM pour la période 2014-2017 », ce qui permettrait de mobiliser les caisses locales sur le sujet. Enfin, Dominique Baudis propose « d’organiser une campagne d’information du ministère chargé de la santé, en partenariat avec l’assurance maladie, les ordres des professionnels de santé et les associations sur les droits et devoirs des bénéficiaires, pour développer la prise de conscience sur l’illégalité des refus de soins ».

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