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Le Conseil d’Etat reconnaît aux mineurs isolés étrangers le droit d’agir en justice pour défendre un droit fondamental

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Dans un arrêt du 12 mars, le juge des référés du Conseil d’Etat a reconnu à un mineur - en l’occurrence, un mineur étranger isolé - le droit d’agir en justice lorsqu’une de ses « libertés fondamentales » est en jeu.

Dans cette affaire, un jeune de nationalité nigérienne entré en France en provenance de Côte-d’Ivoire avait, dans un premier temps, été pris en charge par le dispositif national de protection des mineurs isolés étrangers. Considéré comme majeur à la suite d’examens médicaux, il avait alors fait l’objet d’un arrêté du préfet de la Loire-Atlantique lui faisant obligation de quitter le territoire français. Toutefois, à sa demande et au vu des pièces d’état civil produites, un juge des enfants l’avait ensuite déclaré mineur et confié au service de l’aide sociale à l’enfance de Loire-Atlantique, estimant que la situation vulnérable dans laquelle il se trouvait constituait un danger. Le département ayant refusé d’exécuter l’ordonnance du juge, le jeune Nigérien avait ensuite saisi le juge des référés du tribunal administratif de Nantes, invoquant la violation d’une liberté fondamentale - sur la base de l’article L. 521-2 du code de justice administrative(1) - afin qu’il soit enjoint au département de le mettre sans délai à l’abri et d’assurer sa prise en charge effective en qualité de mineur isolé. Devant le rejet de sa demande, l’intéressé s’était alors tourné vers le juge des référés du Conseil d’Etat pour faire appel de cette décision(2).

Pouvait-il agir seul en justice, au regard de sa minorité ? Le département de Loire-Atlantique soutenait que non. Pour lui, l’intéressé devait nécessairement être représenté par un représentant légal. Mais le juge des référés du Conseil d’Etat est d’un tout autre avis.

« Si un mineur non émancipé ne dispose pas, en principe, de la capacité pour agir en justice, il peut cependant être recevable à saisir le juge des référés, lorsque des circonstances particulières justifient que […] ce dernier ordonne une mesure urgente sur le fondement de l’article L. 521-2 du code de justice administrative », indique le Haut Magistrat. En l’occurrence, ajoute-t-il, « tel est notamment le cas lorsque, comme en l’espèce, un mineur étranger isolé sollicite un hébergement d’urgence qui lui est refusé par le département auquel le juge judiciaire l’a confié ».

On notera au-delà que, sur le fond, le juge des référés du Conseil d’Etat a considéré que la condition de l’atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale était remplie en l’espèce. « Il appartient aux autorités de l’Etat de mettre en œuvre le droit à l’hébergement d’urgence reconnu par la loi à toute personne sans abri qui se trouve en situation de détresse médicale, psychique et sociale », rappelle-t-il en premier lieu. Or « une obligation particulière pèse, en ce domaine, sur les autorités du département en faveur de tout mineur dont la santé, la sécurité ou la moralité sont en danger ». Une « carence caractérisée » dans l’accomplissement de ces obligations peut ainsi faire apparaître une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale, lorsqu’elle entraîne des conséquences graves pour la personne intéressée. Il incombe alors au juge des référés d’apprécier, dans chaque cas, « les diligences accomplies par l’administration en tenant compte des moyens dont elle dispose ainsi que de l’âge, de l’état de la santé et de la situation de famille de la personne intéressée ». En examinant les circonstances de l’espèce, le Haut Magistrat a précisément considéré que le département de la Loire-Atlantique avait porté une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale, constitutive d’une situation d’urgence et a, en conséquence, enjoint au président du conseil général de la Loire-Atlantique d’assurer l’hébergement du jeune requérant dans les 24 heures.

[Conseil d’Etat, 12 mars 2014, n° 375956, disponible sur www.legifrance.gouv.fr]
Notes

(1) Cet article prévoit que, saisi d’une demande en ce sens justifiée par l’urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d’une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d’un service public aurait porté, dans l’exercice d’un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale.

(2) Les recours contre les ordonnances de référé en matière de violation d’une liberté fondamentale sont en effet de la compétence du Conseil d’Etat.

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