Recevoir la newsletter

Le Conseil constitutionnel valide l’essentiel de la loi « ALUR »

Article réservé aux abonnés

Adoptée définitivement le 20 février par le Parlement(1), la loi pour l’accès au logement et un urbanisme rénové - dite loi « ALUR » - sera ressortie presque indemne de son passage devant le Conseil constitutionnel. Dans la décision qu’ils ont rendue le 20 mars, les sages ont en effet globalement écarté les griefs portés par les députés et les sénateurs de l’opposition contre le texte, jugeant la plupart des articles attaqués conformes à la Constitution(2). Les quelques retouches qui ont été faites n’ont pas porté de coup fatal aux dispositifs mis en place.

Des atteintes à la liberté contractuelle justifiées par des objectifs d’intérêt général

Le Conseil constitutionnel a, par exemple, validé l’article instaurant la garantie universelle des loyers, une des mesures phares de la loi que l’opposition contestait non sur le fond mais sur la manière dont elle a été adoptée. Les requérants estimaient en effet qu’il y avait eu « une absence de clarté et de sincérité du débat » lors de son examen, faisant référence aux réécritures du dispositif par le gouvernement au cours de la discussion parlementaire. Les sages, pour leur part, n’ont rien trouvé à redire à la procédure.

La Haute Juridiction a également validé l’article 1er de la loi « ALUR », qui modifie diverses dispositions de la loi du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs pour instaurer de nouvelles règles autour du contrat de location. Il impose notamment que ce contrat soit dorénavant établi en conformité avec un contrat type, qui sera défini par décret. Et allonge, au passage, la liste des mentions et clauses devant figurer dans un contrat de location, y ajoutant par exemple le montant et la date de versement du dernier loyer acquitté par le précédent locataire (dès lors que ce dernier a quitté le logement moins de 18 mois avant la signature du bail). L’article 1er de la loi « ALUR » allonge également la liste des clauses ne pouvant figurer dans un contrat de location. Celles autorisant le bailleur à percevoir des pénalités en cas d’infraction aux clauses du contrat de location ou d’un règlement intérieur à l’immeuble sont par exemple dorénavant interdites.

Les parlementaires de l’opposition estimaient que ces dispositions portaient une atteinte disproportionnée aux conditions d’exercice du droit de propriété et de la liberté contractuelle, en plus de méconnaître l’égalité des parties dans les relations contractuelles. Mais, là encore, les sages ne les ont pas suivis. « Le législateur, soulignent-ils, a modifié les règles d’ordre public applicables aux relations entre les propriétaires bailleurs et les personnes locataires de leur résidence principale afin d’améliorer l’information de ces dernières au moment de la conclusion du bail et leur protection lors de l’exécution de celui-ci ». Il a également entendu « renforcer la sécurité juridique des relations contractuelles et faire obstacle à des pratiques abusives », poursuivant ainsi « des objectifs d’intérêt général ». Or, pour le Conseil constitutionnel, les atteintes à l’exercice du droit de propriété et à la liberté contractuelle - résultant des dispositions attaquées - « ne revêtent pas un caractère disproportionné au regard de ces objectifs ». Par ailleurs, le principe d’égalité ne fait pas davantage obstacle à ce que le législateur « adopte […] des mesures destinées à assurer la protection des locataires dans leurs relations contractuelles avec les bailleurs », indique encore la décision.

Une protection limitée aux locataires âgés disposant de faibles ressources

Egalement attaqué, l’article 5 de la loi « ALUR », qui modifie le régime du congé qui peut être donné par le bailleur soit pour reprendre ou vendre le logement, soit pour un motif légitime et sérieux, a en revanche été légèrement amputé par le Conseil constitutionnel.

Dans le viseur des parlementaires de l’opposition figurait en particulier la disposition prévoyant que le bailleur ne peut plus s’opposer - en donnant congé - au renouvellement du bail des locataires âgés disposant de faibles ressources sans que leur soit offert un logement correspondant à leurs besoins et à leurs possibilités à proximité. La loi « ALUR » a abaissé de 70 à 65 ans l’âge minimal des locataires concernés. Elle a également modifié la condition de ressources, les intéressés devant avoir désormais, pour bénéficier de cette protection, des ressources inférieures non plus à 1,5 SMIC, mais « à un plafond de ressources en vigueur pour l’attribution des logements locatifs conventionnés fixé par arrêté du ministre du logement ». Pour les requérants, une telle restriction des conditions dans lesquelles le bailleur peut donner congé au locataire portait une atteinte excessive à l’exercice du droit de propriété et à la liberté contractuelle. Mais, sur ce point, les sages ne leur ont pas donné raison, considérant pour leur part que ces dispositions ne méconnaissent aucune exigence constitutionnelle.

Ils ont en revanche jugé contraire à la Constitution la disposition étendant cette même protection au locataire ayant à sa charge une personne vivant habituellement dans le logement et remplissant les conditions d’âge et de ressources précitées. Dans sa version adoptée par le Parlement, la loi « ALUR » instituait en effet cette « protection étendue » quelles que soient les ressources du locataire et sans prendre en compte le montant cumulé des ressources du locataire et de celles de la personne qui est à sa charge. Pour la Haute Juridiction, « sans modifier les conditions de prise en compte des ressources des personnes qui en bénéficient, le législateur a permis que, dans certains cas, le propriétaire supporte une charge disproportionnée à l’objectif poursuivi ». Elle a en conséquence censuré cette disposition comme étant contraire au principe d’égalité devant les charges publiques.

Le dispositif d’encadrement des loyers censuré seulement à la marge

L’article 6 de la loi « ALUR », qui met en place un encadrement des prix des loyers dans les zones d’urbanisation de plus de 50 000 habitants connaissant des difficultés sérieuses d’accès au logement, faisait l’objet de nombreux griefs de la part des parlementaires de l’opposition. Il prévoit que, sur ces territoires - qui devront être dotés d’un observatoire local des loyers -, les préfets de département fixeront chaque année, par arrêté, un loyer de référence, un loyer de référence majoré et un loyer de référence minoré, exprimés par un prix au mètre carré de surface habitable, par catégorie de logement et par secteur géographique. Le Conseil constitutionnel a validé l’essentiel du mécanisme, ne procédant qu’à des rejets mineurs.

Ainsi, il était initialement prévu que chaque loyer de référence majoré et chaque loyer de référence minoré soient fixés, respectivement, par majoration et par minoration du loyer de référence « en fonction de la dispersion des niveaux de loyers observés par l’observatoire local des loyers ». Cette disposition, qui permettait que la marge de liberté pour la fixation du montant du loyer soit plus ou moins grande selon que les loyers constatés pour la même catégorie de logements dans un même secteur géographique étaient plus ou moins dispersés, a été censurée par le Conseil constitutionnel. En effet, « en permettant que les conditions d’exercice de la liberté contractuelle varient sur le territoire national en fonction d’un tel critère, indépendant de celui des catégories de logement et des secteurs géographiques, le législateur a méconnu le principe d’égalité », ont estimé les sages. Le loyer de référence majoré ne pourra donc qu’être supérieur de 20 % au loyer de référence et le loyer de référence minoré inférieur de 30 %.

Le Conseil constitutionnel a également retouché la disposition qui prévoyait qu’un complément de loyer « exceptionnel » pourrait s’ajouter au loyer de base - fixé librement entre les parties dans la limite du loyer de référence majoré - pour des logements présentant des caractéristiques de localisation ou de confort « exceptionnelles par leur nature et leur ampleur » par comparaison avec les logements de même catégorie situés dans le même secteur géographique. Les sages ont, précisément, tiqué sur cette notion de bien « exceptionnel ». A leurs yeux, en réservant la faculté d’un complément de loyer à des caractéristiques « exceptionnelles », le législateur a porté à l’exercice du droit de propriété et à la liberté contractuelle une atteinte disproportionnée à l’objectif poursuivi. Les Hauts Magistrats ont donc gommé toute référence au caractère « exceptionnel » du complément de logement. En clair, un complément de loyer pourra être demandé, en sus du loyer de base, pour des logements présentant des caractéristiques de confort et de localisation pouvant justifier un tel complément par comparaison avec les logements de même catégorie situés dans le même secteur géographique… à charge pour un décret de préciser les critères pris en compte.

Nous reviendrons plus en détail sur la loi « ALUR » dans un prochain numéro.

[Loi n° 2014-366 du 24 mars 2014 et décision du Conseil constitutionnel n° 2014-691 DC du 20 mars 2014, J.O. du 26-03-14]
Notes

(1) Voir ASH n° 2849 du 28-02-14, p. 42.

(2) On notera qu’aucune des dispositions intéressant plus particulièrement les acteurs de l’insertion par le logement n’ont été attaquées devant le Conseil constitutionnel (droit au logement opposable, prévention des expulsions locatives, domiciliation, consécration juridique des services intégrés d’accueil et d’orientation, etc.)

Veille juridique

S'abonner
Div qui contient le message d'alerte
Se connecter

Identifiez-vous

Champ obligatoire Mot de passe obligatoire
Mot de passe oublié

Vous êtes abonné, mais vous n'avez pas vos identifiants pour le site ?

Contactez le service client 01.40.05.23.15

par mail

Recruteurs

Rendez-vous sur votre espace recruteur.

Espace recruteur