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Etrangers malades : les ministères de l’Intérieur et de la Santé tentent d’harmoniser les pratiques des préfectures

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Dans une instruction commune adressée aux préfets, les ministères de la Santé et de l’Intérieur font le point sur les conditions d’examen des demandes de titre de séjour pour raisons de santé, répondant à certaines des recommandations que les inspections générales des affaires sociales (IGAS) et de l’administration (IGA) avaient formulées il y a un an dans un rapport(1). Pointant des divergences dans les positions respectives des deux ministères face aux étrangers malades et dénonçant les faiblesses de chacun d’eux dans le pilotage de leurs propres services, l’IGAS et l’IGA avaient, on s’en souvient, notamment relevé la nécessité d’harmoniser les pratiques sur l’ensemble du territoire, de rappeler les procédures en vigueur, de renforcer l’information des médecins des agences régionales de santé (MARS) et de lutter efficacement contre la fraude.

Pour bien comprendre l’instruction, il convient de rappeler que la délivrance d’un titre de séjour pour raisons de santé est subordonnée à l’existence d’une résidence habituelle en France, à un état de santé nécessitant une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour l’intéressé des conséquences d’une exceptionnelle gravité ainsi qu’à l’absence d’un traitement approprié dans le pays d’origine. Concrètement, le préfet délivre - ou non - le titre après avoir consulté l’avis émis par le médecin de l’agence régionale de santé compétente(2). Cet avis est lui-même émis au vu non seulement d’un rapport médical établi par un médecin agréé ou un médecin praticien hospitalier, mais aussi des informations disponibles sur l’existence d’un traitement dans le pays d’origine de l’intéressé. Il ne lie pas le préfet.

Le dépôt de la demande

En premier lieu, les ministères rappellent aux préfets qu’ils ne peuvent exiger des étrangers qui sollicitent un titre de séjour en raison de leur état de santé la production, lors du dépôt de la demande, des pages de leur passeport permettant de s’assurer de leur entrée régulière. Ils ne doivent pas davantage conditionner la délivrance du titre de séjour demandé à la production de cette pièce. Ces étrangers, explique l’instruction, n’ont pas à justifier de leur entrée régulière en France. Ils doivent toutefois justifier de leur nationalité par tout moyen afin non seulement de permettre au MARS de déterminer s’il existe un traitement approprié à la pathologie du demandeur dans le pays dont il est originaire et le cas échéant dans le pays vers lequel il serait légalement admissible, mais aussi de permettre aux agents des préfectures de saisir la nationalité de l’intéressé dans le fichier « AGDREF »(3) en vue de l’établissement éventuel d’un titre de séjour.

Autre piqûre de rappel : les agents des services préfectoraux ne peuvent, à aucune phase de la procédure d’instruction des demandes de titre de séjour pour raisons de santé, exiger de l’étranger malade la production de certificats médicaux, « y compris les certificats médicaux dits non circonstanciés, qui sont de nature à fournir des indications sur l’état de santé du demandeur ».

Les ministères abordent également la question des délais d’instruction. « L’examen des dossiers doit être conduit dans le souci constant de réduction des délais d’instruction », indiquent-ils. Ainsi, le MARS doit s’attacher à instruire les dossiers médicaux et à rendre un avis « dans des délais qui ne sauraient dépasser 30 jours à compter de la réception du rapport médical établi par le médecin agréé ou le praticien hospitalier, sous réserve des cas dans lesquels il demande des éléments complémentaires ». Quant aux services préfectoraux, ils doivent veiller, à réception de l’avis du médecin de l’agence régionale de santé, à statuer sur la demande de titre de séjour dans un délai de 30 jours.

Le secret médical

Les ministères rappellent que les documents et informations à caractère médical (certificats et rapports médicaux, résultats d’analyse biologiques, comptes-rendus et bilans d’hospitalisation) établis danws le cadre de la procédure dite « étrangers malades » sont couverts par le secret médical. Par conséquent, le MARS - qui est tenu par ce secret - ne doit fournir au préfet aucun de ces documents ou informations. Pour leur part, les agents des services préfectoraux ne doivent ni pouvoir accéder à une information relative à l’état de santé de l’étranger, ni en faire état… sauf, précise l’instruction, lorsque l’étranger a, de lui-même et « uniquement dans le cadre d’une instruction contentieuse », livré des informations médicales le concernant.

La condition de résidence habituelle

Pour que la résidence de l’étranger malade demandeur d’un titre de séjour soit caractérisée d’habituelle, elle doit avoir « une durée au moins égale à un an » et, ajoutent les ministères, « doit être appréciée avec discernement ». Les préfets sont par ailleurs invités, lorsqu’elle n’est pas remplie, à enregistrer la demande d’admission au séjour et à examiner si, compte tenu de son état de santé, l’étranger peut être muni d’une autorisation provisoire de séjour renouvelable pendant la durée du traitement.

Les conséquences d’une exceptionnelle gravité

Le MARS, souligne l’instruction, doit apprécier, pour chaque cas individuel, les conséquences sur l’état de santé de l’étranger d’un défaut de prise en charge de la pathologie concernée en s’appuyant sur les informations disponibles (recommandations de la Haute Autorité de santé, conférences de consensus de l’Inserm, etc.). Pour cela, insistent les ministères, il doit déterminer si ces conséquences ont un caractère exceptionnellement grave en combinant les trois facteurs suivants : « degré de gravité (mise en cause du pronostic vital de l’intéressé ou détérioration d’une de ses fonctions importantes), probabilité et délai présumé de survenance de ces conséquences ».

L’instruction indique que, en l’état actuel de son interprétation jurisprudentielle, « la condition d’exceptionnelle gravité des conséquences d’un défaut de prise en charge médicale […] doit être regardée comme remplie chaque fois que l’état de santé de l’étranger concerné présente, en l’absence de la prise en charge médicale que son état de santé requiert, une probabilité élevée à un horizon temporel qui ne saurait être trop éloigné de la mise en jeu du pronostic vital, d’une atteinte à son intégrité physique ou d’une altération significative d’une fonction importante ».

Lorsque les conséquences exceptionnellement graves ne sont susceptibles de survenir qu’à moyen terme (pathologies chroniques évolutives), les préfets sont invités à fonder leur appréciation en examinant les conséquences sur l’état de santé de l’intéressé de l’interruption du traitement dont il bénéficie actuellement en France (rupture de la continuité des soins). Cette appréciation, précisent les ministères, « doit bien évidemment être effectuée en tenant compte des soins dont il peut bénéficier dans son pays d’origine ».

L’appréciation de l’offre de soins dans le pays d’origine

Les ministères annoncent que la direction générale de la santé mettra en ligne, à destination des médecins des ARS, une liste de « dossiers-pays » établie par elle. Ces dossiers renverront à des sites répertoriant des données relatives à l’offre de soins dans les pays d’origine ou de renvoi des demandeurs.

Au passage, ils rappellent que l’offre de soins doit être appréciée « notamment » au regard de l’existence de structures, d’équipements, de médicaments et de dispositifs médicaux, ainsi que de personnels compétents nécessaires pour assurer une prise en charge appropriée de l’affection en cause.

La lutte contre les fraudes

Les préfets sont appelés à renforcer leur vigilance dans l’examen des pièces produites à l’appui de chaque dossier. L’instruction interministérielle indique que, pour éviter plus particulièrement la fraude à l’identité - et comme cela se pratique dans certaines préfectures -, il peut être remis à tout demandeur, au moment où il dépose sa requête, un document muni de sa photo et des indications relatives à son état civil qu’il doit remettre au médecin agréé ou praticien hospitalier chargé d’établir le rapport médical. Ce document, insistent les ministères, devra être joint au rapport médical dans l’enveloppe transmise sous pli confidentiel au MARS sans y faire figurer aucune mention de nature médicale. Ce dernier, à son tour, le joindra à l’avis transmis au préfet « qui pourra ainsi s’assurer de ce que le demandeur qui s’est présenté au guichet de la préfecture correspond à la même personne que l’étranger qui a fait l’objet du rapport médical qui lui a été adressé ». Précision importante : l’absence de ce document ne saurait toutefois constituer à elle seule une preuve de fraude.

[Instruction interministérielle n° DGS/MC1/DGEF/2014 du 10 mars 2014, disp. sur http://circulaires.legifrance.gouv.fr]
Notes

(1) Voir ASH n° 2805 du 12-04-13, p. 12.

(2) A Paris, c’est le médecin-chef du service médical de la5préfecture de police qui délivre à cet avis.

(3) AGDREF (« application de gestion des dossiers des ressortissants étrangers en France ») est le principal fichier de gestion administrative des étrangers.

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