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Le paradoxe de l’AS schizophrène

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Avant même de se lancer dans les études, Elise Viviand avait « le goût des situations inextricables ». Ça tombe bien, elle deviendra assistante de service social ! Dans son livre-témoignage Serial social, elle qualifie le travail social « d’activité paradoxale, assez proche d’un état schizophrénique ». Et n’a de cesse, au fil des pages, d’essayer d’expliquer ses missions - toujours avec ironie, voire cynisme. D’abord, elle tient à recadrer : une assistante sociale n’est pas cette vieille fille blasée capable de dénicher un appartement ; ce n’est pas non plus une personne qui dilapide l’argent du contribuable pour entretenir des hordes d’assistés ! Non, c’est une professionnelle, « trop souvent une femme, débordée, les traits fatigués et les cheveux décoiffés, qui écoute mais ne donne jamais la réponse attendue pendant des jours, des mois, voire des années. » Elle, de toute façon, « n’a pas choisi cette profession pour distribuer du rêve ». Parfois, pourtant, elle aimerait bien. A la place, elle écoute, fait le tri, avise au mieux. Entre les lignes, elle décrie ceux qui prétendent que le travail social est d’une facilité déconcertante, qui y vont de leurs conseils et s’étonnent des délais ou de ce que l’on ne peut pas faire.

Elise Viviand a d’abord exercé pendant six ans dans un centre de soins pour toxicomanes - « ces derniers maillons de la misère ». Elle évoque quelques-unes des personnes qu’elle a suivies, surtout celles qui l’ont marquée au point qu’elle y pense « de l’hôpital au métro, du métro à chez moi, de chez moi à mon lit ». Elles ne sont pas toujours nommées, mais leur parcours est raconté avec précision. Elles n’ont pas non plus toujours une belle fin. Elles prouvent à l’assistante sociale qu’elle n’est pas toute-puissante. « Novice, on se dit que de grandes choses sont encore possibles. Une fois aguerrie, on admet que de grandes choses sont effectivement possibles si l’on considère que quelques pépites ramassées en trois ans ont la valeur d’un lingot d’or », écrit-elle. Epuisée par cette expérience, « saoule de la souffrance et de l’inertie » des toxicos, elle est ensuite allée voir « du côté du “social tout court” », mais « ça parlait trop de RMI et de CMU ». Alors elle postule du côté des détenus, mais « ça parlait trop juge, rapport et obligations ». Enfin, cette fille d’une institutrice et d’un éducateur spécialisé trouve sa place au sein d’un hôpital parent-enfant, et un nouveau défi à relever : reloger des jeunes mères en grande difficulté dans « des maisons bienveillantes ».

Un jour - « trop concernée, noyée jusqu’au cou » -, arrive le burn-out. Elise Viviand évoque les quinze jours de cure de sommeil qui s’ensuivent comme « un salut nécessaire pour que son corps et son esprit se regonflent ». Elle se souvient alors qu’elle n’imaginait pas le métier d’assistante sociale comme une carrière, mais rêvait de devenir scénariste, de gagner une renommée. Dix ans plus tard, elle se retrouve enfermée dans un quotidien qui l’éloigne de ses aspirations. Mais elle a découvert que le social était sa vocation, même si elle envisage une évolution : « Etre chef, s’éloigner de la souffrance abrupte entendue tous les jours, partager son savoir-faire avec les petits jeunes. » En rien Elise Viviant n’a perdu sa fibre artistique : elle vient de transformer son expérience professionnelle en une œuvre littéraire d’une grande qualité.

Serial social. Confessions d’une assistante sociale

Elise Viviand - Ed. Les liens qui libèrent - 14,90 €

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