Nous avons été sollicités par la Fondation des Amis de l’Atelier qui souhaitait dresser une forme de bilan de l’accompagnement des personnes accueillies dans ses Samsah et SAVS (2). Près de dix ans après la loi du 11 février 2005 qui a reconnu la notion de « handicap psychique » dont découlent ces services, nous avons saisi cette occasion pour observer comment se faisait la rencontre entre le monde du handicap et celui de la psychiatrie et l’impact de cette rencontre sur le parcours des personnes. Pendant huit mois, nous nous sommes immergés dans deux sites de la fondation – qui comprenaient chacun un SAVS, un Samsah et une résidence-accueil. Nous avons mené des entretiens biographiques avec 24 usagers de ces structures. Cette approche ethnographique a permis d’analyser la trajectoire de ces personnes.
Le profil des personnes accueillies reste flou. Alors que la loi de 2005 établit des catégories entre les types de handicap, dans les services, ni les professionnels, ni les cadres ne savent précisément si les personnes relèvent du handicap mental ou du handicap psychique. Les orientations de la MDPH – qui font référence à ces catégories de handicap – entrent parfois en contradiction avec cette logique. En pratique, elles ne font que valider des négociations d’orientation entre les professionnels de la psychiatrie et ceux des Samsah. Par ailleurs, l’approche éducative, propre au monde du handicap, s’est enrichie des réponses venant du monde médical. L’accompagnement ne se limite pas à apprendre aux gens ce qu’ils ne savent pas faire, mais à fournir des rituels pour leur permettre de se stabiliser, ce qui est une démarche calquée sur la psychiatrie. Ce double accompagnement profite aux deux types de publics. Enfin, alors qu’il est souvent dit que ces services ont permis de mieux coordonner différents types d’interventions préexistantes, notre expérience montre qu’ils ont créé un nouveau pan de l’accompagnement qui n’existait pas: la prise en charge sociale au domicile. Avant, les gens étaient suivis par le service de psychiatrie et la famille assurait le reste. Aujourd’hui, ces services viennent soulager la famille.
Les professionnels sont encouragés à coordonner leurs prises en charge, ce qui est parfois vécu comme une intrusion par les usagers. Une personne n’a pas forcément envie de raconter aux professionnels du Samsah ce qui se passe au CMP [centre médico-psychologique] dans lequel elle est aussi suivie, et vice versa. Pour les professionnels, ne pas dire ce qui se passe dans chaque service, c’est « cliver ». Par ailleurs, les fins de prise en charge se révèlent complexes. L’accompagnement médico-social est construit comme une étape dans la réalisation d’un projet. En psychiatrie, la stabilisation passe par la répétition de rituels et l’accompagnement est rarement transitoire. Il faudrait pouvoir moduler cette prise en charge en fonction des besoins fluctuants des personnes et surtout, qu’elle ne s’arrête pas du jour au lendemain.
La comparaison des coûts relatifs aux prises en charge en psychiatrie et par des services d’accompagnement est apparue très complexe. En revanche, nous avons constaté que cet accompagnement permet de rationaliser les coûts liés au handicap supportés par les familles. Par exemple, une personne qui ne sait pas s’alimenter correctement et consomme beaucoup de plats cuisinés a pu apprendre à faire la cuisine et consacrer un budget moindre à l’alimentation.
(1) « Parcours de vie, parcours de soins » – Enquête financée par l’ARS Ile-de-France et réalisée par la chaire « Handicap psychique et décision pour autrui » (EHESP-CNSA) – Gaëlle Giordano et Samuel Neuberg, sous la direction de Florence Weber.
(2) Service d’accompagnement médico-social pour adultes handicapés et services d’accompagnement à la vie sociale.