Sollicité par le gouvernement, le Conseil économique, social et environnemental (CESE) se félicite, dans un avis du 26 mars (1), que le projet de loi d’orientation et de programmation pour l’adaptation de la société au vieillissement – qui devrait être présenté le 9 avril au conseil des ministres – « propose de changer de regard de la société sur le vieillissement [2]. Il regrette toutefois que ce changement de cap, cet élan, figurent essentiellement dans le rapport annexé [au projet de loi] mais ne soient pas marqués comme un véritable engagement dans le texte même de la loi. » Au-delà, le conseil adresse au gouvernement des pistes d’amélioration de certaines dispositions, qu’il juge « pas à la hauteur des ambitions » affichées. Surtout, l’instance appelle le gouvernement à envisager des « financements supplémentaires au-delà des 645 millions de la seule contribution additionnelle de solidarité pour l’autonomie » prévue pour financer les mesures.
Le texte gouvernemental prévoit d’adapter 80 000 logements aux contraintes de l’âge et du handicap d’ici à 2017. Un objectif qui, selon le CESE, « apparaît toutefois relativement faible au regard du nombre total de résidences principales, dont il représente de l’ordre de 0,3 %, et de l’augmentation du nombre de personnes âgées de plus de 65 ans qui devrait être de l’ordre de 1,2 million sur la période 2014-2017 ». « Cet effort, poursuit-il, qui intervient, il est vrai, dans un contexte budgétaire très contraint, ne contribuera en lui-même que trop faiblement à augmenter la part des logements adaptés au vieillissement. Ce, d’autant que l’ANAH [Agence nationale de l’habitat] est de façon récurrente un parent pauvre dans les choix budgétaires nationaux » (3). Aussi le conseil insiste-t-il pour que le gouvernement renforce son effort d’adaptation des logements existants.
Actuellement, l’évaluation des personnes âgées – qui détermine le montant de l’allocation personnalisée d’autonomie (APA) – est réalisée au moyen de la grille AGGIR qui définit leur seul degré de perte d’autonomie, allant de 1 (personnes les plus dépendantes) à 6 (les moins dépendantes). Mais « ce système d’évaluation centré sur l’autonomie fonctionnelle ou l’état de maladie n’est pas totalement satisfaisant », estime le conseil, qui préconise donc, « dans le cadre des travaux en cours sur la révision de la grille AGGIR, de s’inspirer du système GEVA [guide d’évaluation des besoins de compensation de la personne handicapée] ». Ce système permet en effet de prendre en compte les différents aspects de la situation de la personne : sa vie personnelle et son environnement, ainsi que les interactions entre les deux. Au final, suggère le CESE, l’évaluation de la personne âgée pourrait être effectuée par une équipe pluridisciplinaire « qui proposerait ensuite un plan personnalisé d’aide prenant en considération les besoins, les aspirations, le projet de vie ». Une suggestion qui rejoint celle du groupe de travail « Société et vieillissement » d’Annick Morel, commandé par le gouvernement « Fillon » en 2011 en vue de l’élaboration d’une future loi « autonomie » (4). En outre, souligne le conseil, « il est également nécessaire que cette grille [AGGIR] permette le suivi de l’évolution des besoins d’aide ». Une fois révisée, elle devrait, selon lui, « être l’unique référence pour tous les acteurs y compris les financeurs ». Un avis partagé par la caisse nationale d’assurance vieillesse, la Mutualité sociale agricole et le Régime social des indépendants qui, dans le cadre de leur offre commune de prévention de la perte d’autonomie, ont décidé de renforcer l’évaluation des risques de fragilité des personnes âgées au moyen de cette grille de référence, mais aussi d’autres outils complémentaires (5).
Le CESE déplore par ailleurs le « problème de la barrière d’âge » pour l’octroi des aides aux personnes handicapées vieillissantes. En effet, celles-ci peuvent bénéficier de l’allocation aux adultes handicapés (AAH) jusqu’à l’âge de 60 ans mais basculent ensuite vers l’allocation de solidarité aux personnes âgées. Ce qui entraîne une baisse des avantages liés à leurs minima sociaux, explique le conseil : ces personnes perdent alors soit le bénéfice du logement en foyer, souvent lié à une activité en établissement et services d’aide par le travail, soit le soutien des services d’aide à la vie sociale (SAVS) en cas de logement autonome. Aussi préconise-t-il, pour pallier cet inconvénient, de « conserver l’AAH au-delà de 60 ans et de permettre aux personnes handicapées de vieillir à domicile, c’est-à-dire soit en logement autonome accompagné d’un SAVS, soit en foyer dont les équipes seraient renforcées au niveau médical ».
Signalons enfin que, si le CESE approuve les grandes lignes de la réforme de l’APA à domicile (revalorisation du plafond des plans d’aide, modulation de la participation financière de la personne âgée…), il regrette que les moyens qui y seront consacrés – environ 375 millions d’euros – soient « trop limités ». En outre, souligne-t-il, « cette réforme serait incomplète si le système de péréquation, permettant de rééquilibrer la participation financière de l’Etat et des départements, n’était pas réexaminé ».
(1) Avis disponible sur
(2) Voir ASH n° 2848 du 21-02-14, p. 39.
(3) L’ANAH peut notamment attribuer des aides aux particuliers pour l’adaptation de leurs logements.
(4) Voir ASH n° 2716 du 1-07-11, p. 45.
(5) Voir ASH n° 2843 du 17-01-14, p. 12.
Le Comité national des retraités et personnes âgées (CNRPA) a, le 18 mars, émis un avis favorable sur la future loi « autonomie ». Toutefois, comme le CESE, il regrette l’« insuffisance [de son] financement » et le maintien de la barrière d’âge pour l’octroi des aides aux personnes handicapées vieillissantes. Ce, même s’il reconnaît que le texte « constitue une première étape vers [sa] disparition ». S’agissant des foyers-logements, le comité déplore l’absence de constructions nouvelles et la modestie du « forfait autonomie », prévu pour renforcer la mission de prévention de la perte d’autonomie de ces structures. En outre, il « demande que toute adaptation d’un logement ou tout relogement se fasse sans surcoût du loyer pour les personnes âgées ». Dans tous les cas, estime l’instance, « ce projet de loi doit être complété par le [futur] projet de loi de santé publique sur les aspects de prévention, par une deuxième étape législative sur les établissements d’accueil des personnes âgées et par les décisions législatives et réglementaires qui découleront des “états généraux du travail social” ». De leur côté, la caisse nationale d’assurance vieillesse, la Mutualité sociale agricole et le Régime social des indépendants se félicitent tout particulièrement de la reconnaissance du rôle de l’action sociale des caisses de retraite par le texte.
S’ils soutiennent la volonté du gouvernement de faciliter l’accès aux aides techniques, ils lui demandent toutefois, « dans un souci de simplification pour les retraités et d’équité de traitement dans la mise en œuvre de ce nouveau dispositif coordonné », de prévoir « clairement que la distribution des aides techniques et actions de prévention pour les retraités non dépendants (groupes iso-ressources 5 et 6) puisse être confiée, par une convention de délégation, aux caisses de retraite ».