Educateurs, la genèse

Dans les années 1940, les éducateurs – que l’on ne tardera pas à dire « spécialisés », pour les distinguer de leurs collègues de l’éducation surveillée et des pédagogues de l’Education nationale – ont inventé leur métier. « Puisant leurs pratiques éducatives dans le bagage de l’éducation nouvelle, des méthodes actives et d’une certaine “culture de camp” », explique Samuel Boussion, maître de conférences en sciences de l’éducation, ces pionniers se sont retrouvés le 15 juillet 1947 pour constituer l’Association nationale des éducateurs de jeunes inadaptés (ANEJI). Les éducateurs, rééducateurs ou moniteurs se trouvaient alors dans une situation analogue à celle des premières assistantes sociales, pouvait-on lire dans la circulaire d’invitation à cette assemblée constitutive : la période héroïque passée, ils avaient « besoin de se connaître pour confronter leur expérience et organiser leur profession ». C’est ce roman des origines, volontiers mythifié, que l’auteur entend remettre en perspective. Décrivant par le menu l’histoire des débuts de l’ANEJI, ces années fondatrices qui furent celles de son âge d’or, Samuel Boussion montre le rôle central qu’a joué l’association dans le processus de professionnalisation des éducateurs. Et ce, dans un constant partenariat, voire « une relative connivence », avec les pouvoirs publics et les employeurs, qui atteindra sa consécration en 1958, avec la signature d’accords collectifs de travail entre l’ANEJI et les Associations régionales de sauvegarde de l’enfance et de l’adolescence (ARSEA), qui étaient alors les plus importantes organisations gestionnaires de l’enfance inadaptée.