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Nouvelle architecture des diplômes : l’idée de socles communs avance

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Les rapports d’évaluation de la réingénierie des diplômes de travail social, qui doivent alimenter les réflexions des « états généraux du travail social », font d’ores et déjà réagir l’Organisation nationale des éducateurs spécialisés.

Fruits d’un travail d’envergure mené à la suite d’un appel d’offres de la direction générale de la cohésion sociale, les rapports d’évaluation de la réingénierie des diplômes de travail social ont été diffusés par le ministère début février (1). Ils doivent contribuer aux réflexions sur une nouvelle architecture des formations et des diplômes, en cours au sein de la commission professionnelle consultative (CPC) du travail social et de l’intervention sociale, le tout dans la perspective des « états généraux du travail social » prévus à l’automne. C’est dire si leurs conclusions sont examinées à la loupe et font déjà réagir.

L’évaluation, engagée dès 2011 sous l’égide d’un comité de pilotage issu de la CPC, porte sur dix diplômes des niveaux I à IV (2). Ses résultats sont donc déclinés en autant de rapports, accompagnés d’une « synthèse transversale ». Celle-ci rappelle que la réingénierie pilotée par la commission professionnelle consultative entre 2002 et 2009 – dans un contexte marqué par l’adoption du système européen LMD (licence, master, doctorat) et la montée en charge de la validation des acquis de l’expérience (VAE) – a principalement abouti à la rédaction de référentiels de certification et de formation, à partir de référentiels d’activités et de compétences. Elle a également approfondi le principe de l’alternance intégrative.

Globalement, indique le rapport général, la réforme est « saluée par l’ensemble des acteurs de l’emploi et de la formation pour la clarification qu’elle apporte dans les diplômes, l’élévation de leur niveau et la lisibilité des métiers auxquels ils conduisent ». Si l’utilisation des référentiels a permis d’introduire la gestion par les compétences, « redonnant de la valeur à la méthode, aux techniques, aux outils de l’intervention sociale et éducative », une partie des employeurs et des formateurs reproche à cette orientation d’« affaiblir l’effet formation sur les personnalités, les capacités personnelles et, dans une moindre mesure, l’acquisition d’une posture professionnelle ».

Pour autant, les équipes pédagogiques « ont eu à cœur de maintenir des modules de positionnement professionnel pour parer au risque de segmentation de la formation ».

Caractère générique

La compréhension des politiques publiques, la coordination des acteurs dans les territoires, les écrits professionnels, le travail social d’intérêt collectif sont en revanche cités comme des compétences valorisées. La réingénierie a aussi été l’occasion de « moderniser » les processus pédagogiques, de renforcer la coopération entre établissements, avec les universités. En revanche, compte tenu de plusieurs facteurs, dont la question dela gratification, « la qualité des stages n’est pas perçue comme ayant augmenté de façon nette ».

Passé ces constats, le rapport émet des préconisations. Parce que, « en général, la valeur d’un diplôme n’est pas seulement liée à l’emploi principal auquel il prépare, mais aussi à son “utilisation” dans d’autres postes moins directement liés à la spécialité et au secteur », les auteurs estiment qu’« il y aurait intérêt à réduire le nombre de diplômes et à renforcer ou élargir leur caractère générique ». Ils proposent une architecture en quatre diplômes : l’un de « cadre et de dirigeant » de niveau I, « avec un complément pour le niveau direction générale ».

Un diplôme de niveau II – d’« intervenant social » ou d’« intervenant socio-éducatif » – regrouperait les actuels diplômes de niveau III, avec des spécialisations. La création d’un troisième « diplôme générique au niveau IV – “assistant technique” ou “technicien” – l’un pour la filière éducative, l’autre pour la filière sociale », impliquerait la transformation du diplôme de technicien de l’intervention sociale et familiale en spécialité. Enfin, existerait un diplôme générique au niveau V – « assistant, aide ou accompagnateur » – avec des spécialisations par public ou mode d’intervention. L’absence de niveau III se justifierait dans la perspective du système LMD, précisent les auteurs, qui reconnaissent toutefois qu’elle poserait la question de la fluidité des parcours, à conserver. Quant aux référentiels, « il faut sans doute se rapprocher des orientations européennes qui distinguent les connaissances, les savoir-faire et les acquis de type “savoir être” », ajoute le rapport, selon lequel « il paraît également souhaitable d’ajouter et d’expliciter les exigences d’éthique professionnelle et de positionnement professionnel ».

Ces propositions sont loin de plaire à l’ONES (Organisation nationale des éducateurs spécialisés), qui craint « une dilution des identités professionnelles dans un regroupement de fonctions », explique son président, Jean-Marie Vauchez. « Les rapporteurs se sont intéressés à la place des éducateurs par rapport aux autres professionnels, mais pas à la question des pratiques », ajoute-t-il, précisant que les réformes des diplômes ont été guidées par des contraintes extérieures aux besoins du terrain, comme la mise en place de la VAE. Pour l’ONES, les auteurs « sont passés à côté de ce qui est fondamental à la qualité des actions socio-éducatives, et constamment attendu par les usagers et les familles : l’éthique et la déontologie professionnelle, le secret professionnel, la qualité des savoirs et des pratiques, la réglementation de l’accès aux métiers du social comme une sécurisation de leurs propres parcours institutionnels ». Quant à l’inscription de ces diplômes au niveau II, « nul besoin d’une nouvelle réforme pour cela ».

Toutes les pistes à l’étude

Comment la CPC va-t-elle s’emparer des conclusions de l’évaluation ? L’instance a adopté les rapports le 20 décembre dernier et a constitué un groupe de travail qui devrait se réunir jusqu’à l’été, en vue de définir un « un cadrage pour une nouvelle architecture des diplômes de travail social ». Son mandat : proposer un ou plusieurs scénarios d’évolution des 14 diplômes qui relèvent du code de l’action sociale et des familles, en intégrant dans sa réflexion « les activités qui relèvent de l’intervention sociale et les diplômes correspondants ». Améliorer la lisibilité et la simplification de l’offre de certification, desserrer « le lien trop exclusif entre diplôme et emploi » et réfléchir au positionnement des diplômes dans le cadre européen des certifications font partie de sa mission. « Nous allons étudier toutes les pistes », explique Didier Tronche, président de la commission professionnelle consultative, précisant que l’instance est attachée aux principes du caractère générique, de l’articulation des diplômes et de l’alternance intégrative. « L’idée d’un diplôme unique avec des options peut faire peur, mais l’enjeu est de valoriser la singularité de la formation en travail social. Elle pourrait être l’occasion de renforcer l’identité des travailleurs sociaux, confortée par un socle commun de culture professionnelle et la reconnaissance de leur niveau de qualification. Il faut travailler sur la reconnaissance au niveau II des diplômes à bac + 3 et sur le nombre de diplômes de niveau V, tout en refondant les articulations et en maintenant les “paniers d’entrée” dans les professions, qui réduisent les inégalités dues à la sélection. »

Les rapports d’évaluation ont, pour beaucoup, été alimentés par les établissements de formation, précise de son côté Diane Bossière, directrice générale de l’Unaforis (Union nationale des associations de formation et de recherche en intervention sociale). « La synthèse générale rejoint sur de nombreux aspects ce que l’Unaforis propose depuis plusieurs années, notamment un socle commun à tous les étudiants d’un même niveau, avec des spécialités. Ces préconisations vont dans le sens d’une meilleure reconnaissance du travail social et des niveaux de qualification dans l’espace européen. Pour autant, la nouvelle architecture ne doit pas entraîner la perte des fondamentaux de chacun des métiers. Il faut être vigilant, mais ce n’est pas pour cela qu’il ne faut rien faire ! »

L’ÉVOLUTION DE LA FORMATION EN LIGNE DE MIRE DES « ÉTATS GÉNÉRAUX DU TRAVAIL SOCIAL »

Le quatrième comité de pilotage des « états généraux du travail social » a, le 18 mars, défini cinq groupes de travail nationaux, chacun co-piloté par la direction générale de la cohésion sociale. La CPC du travail social et de l’intervention sociale s’est vu confier le co-pilotage du groupe « métiers et complémentarités ». Le Conseil supérieur du travail social va co-piloter celui sur la place des usagers, l’Assemblée des départements de France celui sur la coordination des acteurs et celui sur le développement social et le travail social collectif, l’Association des régions de France celui sur la formation initiale et continue. De son côté, la Commission paritaire nationale de l’emploi et de la formation professionnelle (CPNE-FP) de la branche sanitaire, sociale et médicosociale à but non lucratif a produit un document destiné à soutenir ses représentants régionaux qui contribueront aux travaux des trois interrégions (dans le Grand-Ouest, le 17 avril, dans le Sud-Ouest, le 10 juin et en Ile-de-France/Centre, le 3 ou 4 juin) devant aborder, lors de leurs assises, le thème de la formation. La position arrêtée par le bureau de la CPNE défend le renforcement de l’alternance intégrative, le développement de l’apprentissage, le décloisonnement des formations et des parcours, ainsi que l’adaptation de l’offre de formation à l’évolution des besoins. -

Notes

(1) Réalisés par le cabinet GESTE et Louis Dubouchet – Disponibles sur http://goo.gl/vzfoOR.

(2) Les diplômes d’Etat d’assistant de service social, d’éducateur de jeunes enfants, d’éducateur spécialisé, d’éducateur technique spécialisé, de moniteur éducateur, de conseiller en économie sociale et familiale, de médiateur familial, le Caferuis (certificat d’aptitude aux fonctions d’encadrement et de responsable d’unité d’intervention sociale), le DEIS (diplôme d’Etat d’ingénierie sociale) et le Caf des (certificat d’aptitude aux fonctions de directeur d’établissement ou de service d’intervention sociale). Les niveaux V ne font pas partie de l’évaluation car un groupe de travail de la CPC est chargé d’étudier leur évolution. Deux évaluations – des diplômes d’assistant de service social et d’éducateur de jeunes enfants – ont eu lieu en 2012 (voir ASH n° 2780 du 26-10-12, p. 16).

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