Comment vont évoluer les mé tiers des personnels des services pénitentiaires d’insertion et de probation (SPIP) dans le cadre de la mise en œuvre de la future loi relative à la prévention de la récidive et à l’individualisation des peines ? La place et les missions de ces services, valorisées lors de la conférence de consensus de février 2013 sur la prévention de la récidive (1), font l’objet d’un groupe de travail, dont le comité de pilotage a été installé en octobre dernier par la garde des Sceaux. Une réflexion menée dans un cercle trop restreint et qui laisse une place insuffisante aux professionnels concernés et à leurs représentants, estiment les syndicats, qui ont demandé une réorientation des travaux.
De fait, l’administration a prévu d’associer les organisations syndicales en les réunissant tous les deux mois pour recueillir leurs propositions et leurs réactions sur les travaux en cours, conduits par trois commissions. L’une – la commission « mandants », composée de représentants de l’autorité judiciaire – travaille sur l’exécution des décisions de justice et les processus de prise en charge. Cette commission, qui, selon l’administration pénitentiaire, devrait « dépasser les clivages entre intervention criminologique et travail social », réfléchit également « aux possibles modalités d’exécution de la libération sous contrainte et de la contrainte pénale ». Une autre commission, sur « les relations entre les établissements pénitentiaires et les SPIP » – composée de chefs d’établissement et de directeurs fonctionnels des SPIP –, se penche sur l’articulation des responsabilités dans la prise en charge des personnes détenues. Une troisième, la commission « métiers », fait plancher des professionnels des SPIP (directeurs et conseillers pénitentiaires d’insertion et de probation) sur les sujets liés à l’évaluation, aux modalités de prise en charge, ou encore à la formation.
Le 28 février dernier, la deuxième réunion organisée avec les syndicats (qui avaient déjà été reçus en décembre) a confirmé leurs craintes : « Aucun compte rendu de la précédente réunion, aucun document de travail fourni et une présentation orale de l’état d’avancement des réflexions des trois commissions mises en place, sans ordre du jour ni thématique de discussion. Charge aux organisations syndicales de réagir à brûle-pourpoint ! », s’agace la CGT-pénitentiaire. « Les syndicats doivent être davantage consultés et la démarche doit être légitimée en associant le plus grand nombre de professionnels, par des déclinaisons locales du groupe de travail national », ajoute Olivier Caquineau, secrétaire général du Snepap-FSU.
Les récriminations syndicales semblent avoir été entendues. Selon le Snepap, « la commission “métiers” devrait être élargie et les organisations représentatives davantage associées, avec de véritables temps d’échange ». Le groupe de travail national devrait, par ailleurs, s’appuyer sur un « réseau structuré, assis sur l’ensemble des directions interrégionales des services pénitentiaires et des SPIP ». De nouvelles modalités, non encore confirmées par l’administration, qui permettraient une plus grande représentation des personnels de terrain. Sur les revendications à faire valoir, « une base de travail est posée avec les règles européennes de la probation et les travaux de recherche. Nous ne pouvons pas laisser passer cette chance », souligne le Snepap, qui promeut notamment l’idée de la pluridisciplinarité (assistants de service social, psychologues et personnels de surveillance…)
des SPIP, selonlui absente des travaux en cours. La CGT-pénitentiaire souhaiterait, pour sa part, que les questions des ratios de prise en charge, des organigrammes des services et de la formation soient abordées en priorité. Elle déplore que « l’évaluation [ait] été le sujet prioritaire proposé par l’administration à la commission “métiers” ».
Selon les syndicats, il ressort en effet des travaux que des expérimentations seront lancées au cours du second semestre 2014, sur le principe d’une rechercheaction, pour élaborer un nouvel outil d’évaluation devant remplacer le « diagnostic à visée criminologique », très contesté et en pratique abandonné. Le dispositif à venir devrait permettre non pas de faire du « tri » ou d’évaluer la dangerosité, mais « d’identifier les facteurs de risque et de protection de la personne, ses besoins en termes d’accompagnement, sa réceptivité aux différentes prises en charge qui peuvent être proposées » pour adapter la nature et l’intensité du suivi, défend le Snepap.
Le groupe de travail devrait, par ailleurs, émettre des réserves sur la contraintepénale et la libération sous contrainte telles que prévues par le projet de loi – dont l’examen parlementaire a été annoncé pour la miavril –, selon lui trop loin des attentes issues de la conférence de consensus. Sur ce point, il rejoint la déception des syndicats. Ces derniers seront de nouveau réunis le 1er avril « pour démarrer un nouveau cycle de travail », indique l’administration pénitentiaire, sans plus de précision.
(1) Voir ASH n° 2799 du 1-03-13, p. 5.