Dans un arrêt qu’elle a rendu le 27 février, la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) précise les implications qui découlent de l’obligation faite aux Etats membres d’assurer aux personnes ayant sollicité la protection internationale des « conditions matérielles d’accueil qui permettent de garantir un niveau de vie adéquat pour la santé et d’assurer la subsistance ». Elle indique, en particulier, que l’allocation financière qu’ils doivent accorder aux demandeurs d’asile qui ne peuvent être hébergés doit être suffisante pour leur permettre de trouver un logement sur le marché locatif privé. Et ajoute que cette allocation peut leur être versée par des organismes relevant du système d’assistance publique, à condition que ces derniers respectent les normes minimales du droit de l’Union européenne en matière de conditions matérielles d’accueil.
A l’origine de cet arrêt : un litige opposant une famille de demandeurs d’asile à l’Agence fédérale pour l’accueil des demandeurs d’asile (la « Fedasil »), en Belgique. Les requérants – un couple et leurs trois enfants – avaient déposé, dans ce pays, une demande d’asile le 11 octobre 2010 auprès de l’Office des étrangers et aussitôt saisi la Fedasil d’une demande d’accueil. Cette dernière avait immédiatement informé la famille de l’impossibilité de désigner une structure d’accueil et l’avait dirigée vers un centre public d’action sociale, organisme équivalent à un centre communal d’action sociale français. N’ayant pas pu obtenir un hébergement, les intéressés s’étaient alors tournés vers le marché locatif privé. Mais, incapables de régler leur loyer, ils avaient alors introduit auprès du centre public d’action sociale une demande d’aide financière. Une demande refusée au motif qu’ils relevaient des structures d’accueil gérées par la Fedasil.
Par la suite, la justice belge a condamné la Fedasil à accorder un accueil à la famille – cette dernière fut ainsi placée dans un centre d’accueil pour demandeurs d’asile le 21 janvier 2011 – et à lui verser un dédommagement pour les mois au cours desquels elle n’avait pas pu être logée. Elle s’est appuyée pour cela sur la directive européenne 2003/9/CE du 27 janvier 2003 relative à des normes minimales pour l’accueil des demandeurs d’asile dans les Etats membres (1), qui dispose que, lorsque le logement (parmi d’autres conditions matérielles d’accueil) n’est pas fourni en nature, il doit l’être en allocations financières ou en bons. L’affaire a fini par arriver jusque devant la Cour du travail de Bruxelles, qui a saisi la CJUE pour lui poser plusieurs questions.
Un Etat membre qui octroie les conditions matérielles d’accueil sous la forme d’allocations financières (et non en nature) est-il tenu de les accorder dès l’introduction de la demande d’asile ? Doit-il s’assurer que le montant de ces allocations est de nature à permettre aux demandeurs d’asile d’obtenir un logement ? Enfin, peut-il renvoyer les demandeurs d’asile vers des organismes relevant du système d’assistance publique générale lorsque les structures d’hébergement sont saturées ?
La CJUE répond à la première question par l’affirmative. Lorsqu’un Etat membre a choisi d’octroyer les conditions matérielles d’accueil sous la forme d’allocations financières ou de bons, ces allocations ou bons doivent être fournis dès l’introduction de la demande d’asile, indique-t-elle en expliquant que c’est ce qui ressort de la structure générale et de la finalité de la directive du 27 janvier 2003.
La Haute Juridiction rappelle par ailleurs que l’aide financière octroyée doit être suffisante pour garantir un niveau de vie digne et adéquat pour la santé ainsi que pour assurer la subsistance des demandeurs d’asile. Elle précise, au passage, que l’Etat membre doit adapter les conditions d’accueil aux besoins particuliers du demandeur afin, notamment, de préserver l’unité familiale et de tenir compte de l’intérêt supérieur de l’enfant (ainsi, le montant de l’allocation doit permettre aux enfants mineurs d’être logés avec leurs parents). Si le logement n’est pas fourni en nature, l’allocation financière doit être suffisante pour permettre au demandeur d’asile de disposer d’un logement, le cas échéant sur le marché privé de la location, estime la CJUE, « ce logement ne pouvant cependant pas être choisi selon la convenance personnelle du demandeur ».
Enfin, répondant à la troisième question, la cour juge que, lorsque les structures d’hébergement sont saturées, les allocations financières peuvent être versées par l’intermédiaire d’organismes relevant du système d’assistance publique générale, « pour autant que ceux-ci assurent aux demandeurs d’asile le respect des normes minimales prévues par la directive ». Autrement dit, soulignent les services de la CJUE dans un communiqué, la saturation des structures d’hébergement « ne saurait justifier une quelconque dérogation au respect de ces normes ».
(1) Rappelons que ce texte a été modifié par une directive 2013/33/UE du 26 juin 2013 – Voir ASH n° 2815 du 21-06-13, p. 40.