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« Nous pouvons espérer que les lois ne seront plus faites sans nous »

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Pérennisé après une expérimentation jugée positive, le 8e collège du Conseil national des politiques de lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale (CNLE), composé de représentants de personnes en situation de précarité, doit être bientôt renouvelé, comme l’ensemble des membres de l’instance. Alors que l’appel à candidatures est lancé jusqu’au 11 mars, Maria Théron nous fait part de son expérience de 18 mois.
Comment avez-vous intégré ce collège ?

Je suis militante Quart monde (1) depuis plusieurs années. Le mouvement m’a contactée pour me faire cette proposition. J’ai demandé quelques jours pour réfléchir, car cela nécessitait un réel engagement. J’ai accepté pour sa dimension politique. Le fait d’avoir participé à l’université populaire et aux co-formations d’ATD (2) m’a beaucoup aidée : on s’habitue à prendre la parole, à échanger avec les professionnels.

Etiez-vous pour autant préparée à exprimer une parole collective ?

Nous avons réussi à expliquer au CNLE pourquoi il était important de travailler en binôme – un titulaire et un suppléant –, justement parce que l’on ne vient pas apporter notre parole personnelle. A Reims, nous avons créé au sein d’ATD un groupe de soutien composé d’autres militants, avec qui nous avons travaillé les thèmes prévus à l’ordre du jour des séances plénières.

C’est important, car nous n’avons pas tous la même expérience de la précarité ! Cela nous a permis d’apporter cette réflexion aux réunions préparatoires organisées par l’ANSA [Agence nouvelle des solidarités actives] avec les membres du 8e collège. Le groupe de soutien nous a également motivés pendant les périodes difficiles, en nous montrant que notre travail servait à quelque chose…

Quelles ont été vos difficultés ?

Nous avons souvent été frustrés de ne pas pouvoir présenter tout le résultat de notre travail en plénière : il y avait beaucoup d’intervenants et parfois les trois quarts du temps étaient consacrés à la présentation de chiffres, de statistiques très éloignés de nos préoccupations. Même si le CNLE a toujours eu le souci de nous donner la parole, ce n’est pas toujours facile d’interrompre ! Les ordres du jour nous parvenaient très tard, avec des documents très longs et trop compliqués… Appartenir à une association permet heureusement d’avoir un référent qui nous aide à apporter notre réflexion sur le sujet. Il y a eu deux ou trois départs et remplacements pendant l’expérimentation, soit parce que les personnes ont retrouvé du travail, soit parce que les conditions de cette participation ne leur convenaient pas. Cela dit, il y a eu beaucoup d’entraide entre les membres. Certains avaient par exemple plus de facilité que d’autres pour prendre la parole, avaient une connaissance plus technique des dossiers. Si nos frais de déplacement étaient remboursés, tout le monde n’est pas équipé en informatique et nous avions le souci de savoir si chacun d’entre nous avait bien reçu les informations sur les réunions, les changements de date ou de lieu.

Comment améliorer les choses ?

Les membres du 8e collège doivent être sollicités plus en amont et tous devraient bénéficier d’un groupe de soutien (3). Les autres collèges devraient aussi avoir davantage conscience que nous passons du temps à travailler les sujets. Nous devrions pouvoir nous exprimer sur les thèmes que nous souhaitons aborder. Nous ne voulons pas être seulement informés, mais associés à l’ordre du jour !

Vous jugez l’expérience positive…

Elle a permis aux pauvres d’être mieux écoutés, d’être sollicités comme experts. Nous ne nous exprimons pas avec des termes techniques, mais nous venons avec une compétence qui est notre expérience. Beaucoup de nos arguments ont été pris en compte dans les débats sur le RSA ou les indus. Il est important que nous puissions dire en quoi un texte va être pénalisant pour les personnes en difficulté. Nous pouvons espérer que désormais, les lois ne seront plus faites sans nous ! Et il est très positif que nos propositions aient été prises en compte dans l’évaluation de l’expérimentation.

Souhaitez-vous renouveler votre participation ?

Ma suppléante [une autre militante Quart monde] et moi serions partantes, mais nous aimerions laisser la place à d’autres afin qu’ils puissent connaître cette expérience, tout en continuant à intervenir en tant que soutiens.

Notes

(1) Personne qui a l’expérience de la pauvreté et s’engage dans le combat contre la misère.

(2) Par le croisement des savoirs et des pratiques, avec des personnes en situation de pauvreté – Voir ASH n° 2625 du 25-09-09, p. 22.

(3) L’idée est reprise dans l’appel à candidatures – Voir ASH n° 2846 du 7-02-14, p. 36.

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