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Un rapport sénatorial formule des pistes pour améliorer la justice aux affaires familiales

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« Alors qu’objectivement la justice aux affaires familiales semble fonctionner correctement, elle ne donne une entière satisfaction ni à ceux qui la pratiquent ni à ceux qui font appel à elle. » Tel est le constat d’un rapport de la commission des lois du Sénat, rendu public le 26 février (1), qui, « plutôt qu’une refonte radicale de l’organisation judiciaire », préconise l’« émergence d’une nouvelle culture, plus ouverte à la conciliation et à la médiation, plus attentive à la résolution pérenne du litige ». Une culture qui doit fonder de « nouvelles pratiques, plus conformes aux attentes des justiciables ».

Permettre au JAF d’accompagner ses décisions

Les rapporteurs Catherine Tasca (PS) et Michel Mercier (UDI) préconisent en effet de « reconnaître explicitement au juge aux affaires familiales [JAF] la possibilité d’accompagner certaines de ses décisions, en recourant à des enquêtes sociales pour ce faire ou en prononçant certaines mesures à titre temporaire, afin d’être en mesure de constater, avant de statuer définitivement, si elles sont bien adaptées à la situation des parties et si celles-ci s’y conforment bien ». Pour les sénateurs, il s’agit là d’une « idée raisonnable, qui vise à asseoir la mission conciliatrice du JAF, sur l’élaboration, l’adaptation et l’accompagnement des décisions qu’il rend ». Mais cela suppose de lui en donner les moyens matériels, soulignent-ils. En effet, pour exercer ses missions, le JAF peut compter sur les enquêtes sociales et les expertises. Mais celles-ci ont un coût, qui pèse sur les parties, ce qui peut constituer un frein pour ordonner ce type de mesures. Le magistrat peut aussi s’appuyer sur les espaces de rencontre médiatisée, qui lui permettent d’organiser, dans le cas d’affaires difficiles, l’exercice par l’un des parents de son droit de visite et d’hébergement (2). Mais, ont expliqué à la commission des lois la Fédération nationale de la médiation et des espaces familiaux et la représentante du défenseur des droits, Emmanuelle Wachenheim, ces espaces de rencontre font face à des « problèmes récurrents de financement ». Conscients du contexte budgétaire difficile, Catherine Tasca et Michel Mercier demandent donc au gouvernement d’au moins « garantir le niveau [actuel] de financement des enquêtes sociales et des espaces familiaux de rencontre et [d’]assurer aux structures qui les prennent en charge une prévisibilité pluriannuelle de leur financement ».

Déjudiciariser certains contentieux

Pour les sénateurs, « l’évolution du droit de la famille vers une priorité donnée à l’accord des parties et un retranchement progressif du juge pose inévitablement la question [de la déjudiciarisation] de certains types de contentieux », à commencer par celui du divorce par consentement mutuel qui fait actuellement débat (3). Il est cependant « opportun de s’engager dans cette voie, à condition toutefois de le faire sur un périmètre limité », estiment les rapporteurs, qui proposent donc de « confier à des greffiers dotés d’attributions juridictionnelles la compétence pour prononcer les divorces par consentement mutuel des époux sans enfants ni patrimoine ». Si ceux-ci refusent d’homologuer la convention réglant les effets du divorce, les époux pourraient alors saisir le JAF.

Catherine Tasca et Michel Mercier recommandent par ailleurs de « décharger, autant que possible, les juridictions du contentieux de l’impécuniosité des débiteurs de la pension alimentaire, suscité par les caisses d’allocations familiales [CAF] pour le versement de certaines prestations », notamment l’allocation de soutien familial (ASF). Ils insistent ainsi pour que les CAF appliquent le décret du 7 décembre 2011 qui leur permet de vérifier par elles-mêmes, à partir des documents présentés par les allocataires ou les investigations qu’elles mèneraient, l’état d’impécuniosité du parent débiteur d’une pension alimentaire et, le cas échéant, de procéder au versement de l’ASF censée compenser l’absence de paiement de pension alimentaire (4). En pratique, en effet, les CAF continuent de demander aux parents en difficulté d’obtenir du JAF une déclaration d’insolvabilité du parent défaillant pour ouvrir un droit à l’ASF, déplorent les sénateurs.

Autres propositions de simplification évoquées dans le rapport : transférer à l’officier d’état civil l’enregistrement et la dissolution du pacte civil de solidarité, aujourd’hui confiés au tribunal d’instance, ou encore les procédures de changement de prénom, qui relèvent actuellement de la compétence du JAF.

Favoriser le déploiement de la médiation

« Aujourd’hui, seules 0,8 % des affaires sont envoyées en médiation par le juge aux affaires familiales », constatent les sénateurs, soulignant qu’un peu plus de la moitié d’entre elles aboutissent. « Les marges de progrès sont [donc] encore importantes, mais les obstacles sur le chemin de la médiation sont nombreux » (résistance culturelle chez les justiciables et les professionnels de la justice, notamment). C’est pourquoi ils relèvent tout l’intérêt d’une expérimentation menée en la matière par les tribunaux de grande instance de Bordeaux et d’Arras, dont ils jugent les premiers résultats « encourageants ». Celle-ci permet au JAF, saisi d’un litige relatif à l’autorité parentale, d’enjoindre aux parties (soit par courrier, soit à l’audience) de rencontrer un médiateur familial qui les informera sur l’objet et le déroulement de la médiation. Dans cette même décision, le juge fixe une date d’audience à trois mois. Après avoir été reçues par le médiateur, les parties disposent de huit jours pour décider de s’engager dans le processus de médiation. Si les parties la refusent, le juge tranche le litige lors de l’audience fixée à trois mois. S’ils l’acceptent, le juge soit homologue l’accord intervenu, soit, en cas d’absence d’accord entre elles, tranche le litige. Il appartient, en pratique, à un magistrat référent d’identifier les affaires susceptibles de donner lieu à une médiation.

Selon les professionnels de la justice d’Arras, le délai de réflexion de huit jours « démotiverait un grand nombre de parties », ce qui expliquerait, en partie, le faible nombre de médiations réalisées à la suite de ces séances d’information (5). Le barreau d’Arras, lui, témoigne de « l’incompréhension et de la frustration de leurs clients d’être convoqués pour une simple information sans que soit abordé le fond de leur différend », rapportent Catherine Tasca et Michel Mercier. Une information qui, de plus, n’est « pas suffisante pour donner envie de poursuivre le processus », estiment les services de médiation d’Arras. Face à ces premières remarques, les sénateurs proposent donc d’ajuster les modalités de mise en œuvre de l’expérimentation, qui doit s’achever le 31 décembre 2014, en permettant, selon les cas, des médiations rapides ou de plus long terme. Concrètement, expliquent-ils, « lorsque le magistrat référent oriente un dossier vers la médiation, les parties pourraient être convoquées, avant l’audience, à une séance d’information, à l’issue de laquelle elles décideraient éventuellement de poursuivre dans la médiation. Si un accord est trouvé, celui-ci pourrait être homologué rapidement par le juge, sans attendre l’expiration du délai de trois mois […]. De même, si, au terme de la séance d’information, les parties refusent la médiation, le délai de trois mois avant l’audience peut sembler quelque peu rigide. En revanche, si le conflit nécessite un véritable travail de médiation “classique”, en plusieurs séances, la convocation à l’audience pourrait alors être fixée à trois mois. »

Notes

(1) Rapport d’information n° 404 – Disponible sur www.senat.fr.

(2) Sur le cadre juridique de ces espaces de rencontre, voir ASH n° 2834 du 22-11-13, p. 47 – Voir aussi notre reportage dans les ASH n° 2835 du 29-11-13, p. 20.

(3) C’est le rapport « Delmas-Goyon » sur le « juge du XXIe siècle », remis à la garde des Sceaux en décembre dernier pour nourrir ses réflexions sur la future réforme judiciaire (voir ASH n° 2831 du 1-11-13, p. 11), qui a lancé le débat, en préconisant de confier à des greffiers le prononcé des divorces par consentement mutuel, que les couples aient ou non des enfants et quelle que soit leur situation patrimoniale.

(4) Voir ASH n° 2737 du 16-12-11, p. 8.

(5) Cette expérimentation a concerné 67 dossiers sur la période d’août à décembre 2013. Parmi eux, 52 n’ont pu aboutir à une médiation, dont 36 en raison du refus des parties.

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