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« Supprimer le SFT… »

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Julien Damon. Professeur associé à Sciences-Po. Ancien chef du service Questions socialesau Centre d’analyse stratégique.

Il paraît que l’on cherche des économies en matière de dépenses publiques. En voici une. Le supplément familial de traitement – connu sous le sigle SFT ou sous l’abréviation « Sup’ Fatte » – est un « avantage salarial » (c’est le Conseil d’Etat qui le dit) des fonctionnaires et agents contractuels du secteur public. En fonction du nombre de leurs enfants, ils le perçoivent en complément de leur traitement. Ce SFT ne relève pas, en termes juridiques, de la politique familiale mais de la rémunération des fonctionnaires. Il est d’ailleurs imposable, alors que ce n’est pas le cas des prestations familiales.

En termes de dépenses publiques, si l’on prend les différents SFT des trois fonctions publiques, mais aussi ceux qui existent dans certains autres corps publics ou parapublics (entreprises publiques, corps consulaires), la dépense annuelle est de 2?milliards d’euros. C’est un montant très important dont on parle peu, à rapporter aux allocations familiales qui, elles, représentent 16 milliards d’euros et sont versées à tout le monde, aux fonctionnaires comme aux salariés du privé ou aux indépendants. A la différence des allocations familiales, le SFT commence dès le premier enfant et, surtout, il est proportionnel au salaire. Plus le traitement de base est élevé, plus le supplément familial est important. Cette logique – que l’on retrouve avec le mécanisme fiscal du quotient familial – est éminemment discutable et disputée.

Le SFT fait l’objet de plusieurs scénarios, souvent complémentaires, de réforme. Une première option serait de le supprimer au premier enfant (étant alors d’un montant forfaitaire ridicule). Une deuxième option consisterait à forfaitiser son montant pour tous les enfants – par exemple, 30 ou 40 € par enfant. Une troisième serait de proposer aux bénéficiaires de choisir entre le bénéfice des allocations familiales et celui du SFT. Cette idée consiste explicitement à intégrer le SFT dans le périmètre de la politique familiale. Elle revient aussi à des fondamentaux. Car si les racines du SFT sont antérieures à celles des allocations familiales, la coexistence des deux mécanismes est assurément contestable. Depuis que les allocations familiales ont été généralisées aux fonctionnaires, il n’est pas forcément logique de conserver un système particulier supplémentaire pour les agents publics. Une dernière option tiendrait dans la suppression pure et simple de cet avantage. Plusieurs raisons plaident pour cette voie radicale : nécessité de réaliser des économies ; souci d’une plus grande égalité entre privé et public ; possibilité d’agir en matière de politique familiale, par une voie certes relativement détournée.

La disparition pure et simple du « Sup’ Fatte », rayé d’un trait de plume, n’est cependant ni possible politiquement ni souhaitable en termes de justice. Plusieurs points méritent d’être abordés. Certaines catégories de personnels de l’Etat, en particulier les militaires, vivent des sujétions et obligations familiales particulières. Elles pourraient légitimement continuer à bénéficier de ce supplément. C’est pour les personnels civils que la légitimité de la dépense se pose. Pour être réaliste, la réforme ne pourrait se faire que progressivement. Il y a deux méthodes pour cela. La première, la plus hypocrite, consiste à forfaitiser le montant de ce supplément puis à le geler (ce qui devient habituel pour les agents publics). En une vingtaine d’années, il perd toute consistance. Une autre méthode consiste à intégrer directement cet avantage, pour les personnes qui le touchent aujourd’hui, dans le traitement, par des points d’indice correspondant au prorata du temps passé avec véritable charge d’enfants. Et pour ceux qui entreraient dans une fonction publique, cet avantage n’existerait plus. En une vingtaine d’années, le dispositif s’éteint également.

On entend déjà les critiques s’élever. Ajoutons donc deux arguments. Le premier tient de l’impossibilité de gérer convenablement le système. En théorie, dans un couple, il est impossible de cumuler deux SFT. Sans que cela relève sciemment de la fraude, il est probable, en raison des décompositions et recompositions familiales, que l’obligation de non-cumul ne soit pas totalement respectée. Le second argument porte sur la logique d’une diminution des dépenses de l’Etat. Si économies il doit y avoir, elles peuvent être acceptées à condition de redéploiements partiels. Ainsi, une partie des économies sur le SFT pourraient être basculées vers des dépenses dont tout le monde (fonctionnaire ou non) pourrait bénéficier : des investissements dans les crèches, entre autres.

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