Attention, âmes sensibles s’abstenir. Voilà un roman qui – comme certains disques de rap – pourrait comporter un autocollant avertissant de ses explicit lyrics. C’est d’ailleurs un peu l’esprit de la note de l’éditrice adressée aux rédactions avec l’exemplaire de presse de l’ouvrage : « Certains passages apparaîtront hardcore, pour reprendre l’expression de l’auteur. Je dirais que le langage épouse son sujet et l’univers de ses héros. » Le sujet ? L’irrésistible ascension d’un petit dealer de cité devenu fournisseur officiel de la faune du bois de Boulogne, à coups de violence extrême, de nuits brûlées par les deux bouts, de passes cradingues et d’accès de paranoïa. Durant 180?pages, à la suite du Boss et de ses lieutenants, le lecteur plonge dans l’univers ultra-codifié de cet espace de verdure situé en lisière de Paris, dont le narrateur décrit minutieusement la topographie, les règles et les personnages – des connaissances acquises par l’auteur Johann Zarca au fil de quelques années de fréquentation du Bois, dans lequel il reconnaît volontiers avoir zoné pour revendre des barrettes de shit. Un lieu où les problèmes sociaux se cumulent et où, pourtant, les travailleurs sociaux se font rares – tout au plus voit-on vaguement passer un bus d’AIDES, dont l’action est considérée comme « vaine », voire « gênante pour le bizbiz »… Cette plongée nauséeuse est rythmée par la riche langue du macadam parisien – le principal intérêt du texte, mais qui risque de perdre quelques lecteurs : un mélange de verlan, d’argot manouche et d’arabe, déjà employé par Johann Zarca sur son blog Le Mec de l’underground, où l’auteur du Boss de Boulogne invente ce qu’il qualifie de « littérature vandale ». Depuis la parution du roman, les critiques se partagent entre l’éloge d’une prose jouissive au ton neuf et l’écœurement provoqué par la fréquentation de personnages malsains et ultra-violents. Deux extrêmes qui se justifient… A chacun de se faire son avis.
Le Boss de Boulogne
Johann Zarca – Ed. Don Quichotte – 16 €