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Stages : le secteur vigilant sur l’impact de la proposition de loi et les promesses du gouvernement

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Le déblocage d’une enveloppe de 5,3 millions d’euros pour la gratification ne suffit pas à lever toutes les inquiétudes. D’autant qu’une proposition de loi en cours d’examen pourrait étendre les difficultés liées à la rémunération des stagiaires aux niveaux IV et V.

La mobilisation de ces derniers mois n’aura pas été vaine. Les multiples démarches de l’Union nationale des associations de formation et de recherche en intervention sociale (Unaforis) – reçue en janvier à Matignon puis aux ministères de Geneviève Fioraso et de Marisol Touraine et à l’initiative de la table ronde sur l’alternance le 18 décembre 2013 (1) –, mais aussi la pression continue des étudiants réunis en coordination nationale auront forcé le gouvernement à lâcher du lest. Lors de l’examen de la proposition de loi sur l’encadrement des stages et sur l’amélioration du statut des stagiaires, adoptée en première lecture à l’Assemblée nationale le 24 février, les ministères des Affaires sociales et de l’Enseignement supérieur ont annoncé avoir terminé la « concertation » préalable à la parution du décret d’application de la loi Fioraso (voir ce numéro, page 5). Ils estiment le coût de l’extension de la gratification aux établissements et services relevant des fonctions publiques territoriale et hospitalière à 7,4 millions d’euros et débloquent 5,3 millions d’euros (2).

« Premier pas »

Si ce montant est « probablement insuffisant », c’est « la première réponse concrète d’un gouvernement sur ce sujet depuis six ou sept ans », tient à souligner Pierre Gauthier, président de l’Unaforis. « Un premier pas, qui montre que les responsables politiques ont entendu qu’il y avait des difficultés dans notre secteur », renchérit Chantal Cornier, vice-présidente de cette union. Et de préciser que cette enveloppe devrait s’ajouter aux ­crédits versés depuis 2008 aux agences régionales de santé (ARS) pour financer la gratification des établissements médico-sociaux et « visiblement sous-consommés ». Concrètement, le gouvernement promet la mise en place d’un fonds de transition pour aider financièrement les structures en difficulté par rapport à la gratification et qui en feront la demande auprès des DRJCS (directions régionales de la jeunesse, des sports et de la cohésion sociale) ou des ARS. « Cela va dans le bon sens », estime Jean-Marie Poujol, membre du bureau du Syneas (Syndicat des employeurs associatifs de l’action sociale et médico-sociale), rappelant la volonté des employeurs de « poursuivre l’accueil de stagiaires, mais pas sans moyens pour le faire ». S’il estime que ces annonces sont plutôt « une bonne nouvelle du côté des financements de l’Etat et des ARS », il espère que les conseils généraux suivront le mouvement. Par ailleurs, qu’en est-il des financements pour le secteur non lucratif ?, s’interroge-t-il. D’où la prudence, à ce stade, du Syneas et de l’Unaforis. « Il y a beaucoup de choses à éclaircir. On ne connaît rien encore des modalités de mise en œuvre de ce fonds », précise Chantal Cornier. « Quelle seront les conditions et la procédure retenues ? Il ne faudrait pas créer une usine à gaz ou un effet d’aubaine pour les plus malins », prévient Pierre Gauthier. Il souhaite, en tout cas, que la création de ce fonds provoque « un choc » chez les employeurs et les amène à se poser la question de la gratification.

L’autre avancée, c’est l’engagement du gouvernement de proposer davantage de lieux de stages dans les services de l’Etat. « Nous n’en avions presque plus », souligne Chantal Cornier. Mais « nous attendons de voir comment l’Etat va mobiliser les services publics et les employeurs sur l’accueil des stagiaires. Et, plus globalement, comment il va relancer la question de l’alternance intégrative dans le cadre des “états généraux du travail social” et de la réforme des diplômes, la gratification n’étant pas le seul problème. »

Manque d’anticipation

Vigilante sur la traduction des promesses gouvernementales, l’Unaforis l’est tout autant sur la proposition de loi sur l’encadrement des stages, qui doit encore être examinée au Sénat. Elle y voit « un texte vertueux qui vise à améliorer le statut du stagiaire et à le protéger contre les abus ». En outre, « celui-ci vient préciser les missions du stage, ses objectifs et des pratiques que le secteur des formations sociales, très attaché à l’alternance intégrative, avait depuis longtemps mis en place », souligne Chantal Cornier. Mais si l’intention de la loi est louable, ses effets sur le secteur social n’ont guère été anticipés. En effet, le texte propose que les dispositions sur les stages, qui étaient traitées dans la partie du code de l’éducation sur les enseignements supérieurs, soient intégrées aux dispositions communes sur l’éducation. Avec cette recodification, tous les niveaux de formation, et pas seulement les niveaux III et plus, seraient concernés. Avec comme conséquence d’étendre les difficultés liées à l’obligation de gratifier aux niveaux IV et V et le risque d’assécher les terrains d’accueil. « Les formations d’aides médico-psychologiques (AMP) et de moniteurs-éducateurs (ME), qui comportent des stages souvent dans des établissements relevant du champ du handicap ou des personnes âgées et déjà, pour beaucoup, en tension financière », risquent d’être particulièrement touchées, indique-t-on à l’Unaforis. 3 500 étudiants AMP et ME pourraient ainsi être gratifiables.

Par ailleurs, une disposition de la proposition de loi limite la durée du stage à six mois. En fait la mesure avait déjà été prévue par la loi du 28 juillet 2011, dite loi Cherpion, mais elle n’était pas respectée. Cette limitation toucherait notamment la formation d’éducateur spécialisé qui comporte, selon la réglementation, des stages supérieurs à six mois. Néanmoins, il est prévu un délai d’adaptation de deux ans – qui devrait être fixé par un décret – afin que certains établissements d’enseignement, notamment dans le domaine social, puissent adapter les formations. « Ce qui nous laisse le temps de retravailler les modalités de l’alternance intégrative dans le cadre du groupe de travail de la Commission professionnelle consultative du travail social et de l’intervention sociale, chargée plus globalement de proposer une nouvelle architecture des diplômes pour la fin 2014 », souligne-t-on à l’Unaforis. Ce redécoupage des stages inquiète toutefois l’ONES (Organisation nationale des éducateurs spécialisés). « Il transforme en effet le sens de la formation, souligne Jean-Marie Vauchez, son président. Par exemple, c’est dans le stage long de neuf mois dit à responsabilités des éducateurs spécialisés qu’on est confronté aux vraies difficultés et qu’on apprend le métier.  »

Enfin, une autre disposition concerne la limitation du nombre de stagiaires rapporté aux effectifs de l’entreprise. Sur ce point, l’Unaforis espère que le décret qui devrait en fixer les modalités tiendra compte des spécificités du secteur social.

« Quelques miettes »

Si Fabien Gella, du Collectif des étudiants en travail social (CETS) de Rhône-Alpes, salue les avancées de la proposition de loi pour les stagiaires, il exprime ses « vives inquiétudes quant aux conséquences de son application dans le secteur social au vu du manque de moyens ». Selon lui, le gouvernement n’accorde que « quelques miettes » en créant le fonds de transition et « la situation actuelle des stages va s’aggraver ».

Notes

(1) Voir ASH n° 2839 du 27-12-13, p. 10.

(2) L’Unaforis avait évalué à 29 millions d’euros bruts annuels le coût global de la gratification (tous secteurs confondus). Mais ce chiffre englobe les gratifications déjà versées par les employeurs assujettis.

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