L’alerte, déclenchée par Médecins du monde, aura-t-elle permis d’éviter une dérive ? Dans une lettre ouverte du 21 février à la ministre de la Santé, l’Obervatoire du droit à la santé des étrangers (ODSE) (1) l’informe « qu’une note interne de la caisse primaire d’assurance maladie (CPAM) de Seine-Saint-Denis demande à ses services de ne pas traiter les demandes d’aide médicale de l’Etat (AME) déposées et non encore instruites au 6 décembre 2013 ». Or l’absence de réponse dans le délai réglementaire de deux mois vaut rejet de la demande. « En refusant d’examiner les demandes des usagers, qui ne sont ni informés ni mis en position d’exercer des recours, la CPAM de Seine-Saint-Denis démissionne purement et simplement de son obligation de service public, empêchant les personnes de se soigner, ou les laissant endettées à vie face à des factures hospitalières », s’insurge l’organisation. Elle dénonce, dans son courrier, l’illégalité de la technique de « déstockage des dossiers », un « déni de droit » discriminatoire et s’inquiète du risque « de pérennisation d’une telle pratique comme mode de gestion de la charge de travail des caisses, sur le dos des usagers les plus faibles ».
La volonté d’écarter les dossiers était-elle délibérée, comme le croit Médecins du monde après avoir interrogé des agents de la CPAM ? La direction de la CPAM de Bobigny ne confirme ni n’infirme l’existence d’une telle consigne, avançant l’idée d’une surcharge. La caisse « connaît depuis plusieurs mois un accroissement considérable du nombre de dossiers de demande d’AME. Le cap des 51 000 bénéficiaires a été franchi », se contente-t-elle de préciser dans une déclaration transmise par la caisse nationale de l’assurance maladie aux ASH. L’afflux des demandes a été particulièment soutenu en fin d’année 2013, dans une période marquée par ailleurs par les congés de Noël et une réduction d’effectifs. » Néanmoins, la direction de la CPAM souligne que, depuis, « les équipes ont été renforcées » et que la caisse « met tout en œuvre pour traiter les demandes dans des délais courts ». Celle-ci s’engage à « traiter les demandes d’AME déposées et non encore instruites au-delà du délai réglementaire de deux mois et a donné des instructions expresses en ce sens ». La direction ajoute avoir proposé une rencontre à l’ODSE, dont la date n’était pas encore arrêtée le 26 février.
Toujours est-il que « 350 demandes ont été déposées à la CPAM de Bobigny entre le 5 octobre et le 6 décembre, dont 130 par des patients domiciliés par Médecins du monde, qui n’ont pas eu de nouvelles », explique Jean-François Corty, directeur des « missions France » de Médecins du monde. « Objectivement, les dossiers n’ont pas été traités, et les patients ont dû différer leurs soins. La situation est suffisamment inquiétante pour que l’on s’en alarme. » Elle pose, à tout le moins, la question de l’allongement des délais d’instruction et de l’organisation des services pour faire face aux besoins.
(1) Composé de 20 membres, dont Médecins du monde, Act Up, AIDES, la Cimade, le Comede et le GISTI.