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Le Conseil constitutionnel statue sur le régime juridique des unités pour malades difficiles

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Dans une réponse à une question prioritaire de constitutionnalité (QPC), le Conseil constitutionnel a, le 14 février, déclaré conforme à la Constitution l’article L. 3222-3 du code de la santé publique (CSP) dans sa rédaction résultant de la loi du 5 juillet 2011 relative aux droits et à la protection des personnes faisant l’objet de soins psychiatriques et aux modalités de leur prise en charge (1). Pour mémoire, cet article, abrogé par une loi du 27 septembre 2013 (2), posait une base légale pour les unités pour malades difficiles (UMD) et renvoyait à un décret le soin de fixer les modalités d’admission dans ces unités. Un recours au pouvoir réglementaire que critiquaient les requérants, considérant notamment que le cadre de fonctionnement des UMD devait être fixé par la loi afin d’assurer le respect des droits et libertés garantis par la Constitution. Pour le Conseil constitutionnel, l’abrogation de l’article L. 3222-3 du CSP ne rend pas la QPC sans objet dans la mesure où, s’il avait été fait droit aux arguments des demandeurs, « le législateur aurait été tenu de réintroduire dans la loi un régime des UMD mieux encadré » (3).

Contexte législatif

Rappelons que la loi du 5 juillet 2011 a été modifiée par la loi du 27 septembre 2013, à la suite d’une censure du Conseil constitutionnel. En effet, dans une décision du 20 avril 2012, ce dernier avait déclaré contraires à la Constitution deux de ses dispositions relatives aux conditions de levée d’une mesure de soins sans consentement prononcée à l’encontre des personnes irresponsables pénalement ou ayant séjourné en UMD aux motifs qu’elles prévoyaient des règles exorbitantes du droit commun (4).

En conséquence de cette censure, le législateur a réformé la procédure de mainlevée des mesures de soins psychiatriques sans consentement des personnes ayant séjourné en UMD ou hospitalisées à la suite d’une déclaration d’irresponsabilité pénale. Il a maintenu, en y apportant des garanties nouvelles, un régime dérogatoire de levée des soins pour les personnes ayant été déclarées pénalement irresponsables. Le régime de rigueur de sortie des UMD a, quant à lui, été supprimé. Et l’article L. 3222-3 du code de la santé publique a lui aussi été abrogé, le législateur ayant jugé inutile de conserver une base légale pour ces unités dans la mesure où elle avait été établie uniquement pour la mise en place du régime de sortie renforcé. Toutefois, les dispositions réglementaires relatives aux UMD, prises en application de cet article L. 3222-3 du code de la santé publique, demeurent et continuent de régir les conditions d’entrée et de sortie des patients.

Pour rappel, l’article L. 3222-3 du CSP disposait qu’une personne faisant l’objet de soins psychiatriques sous forme d’une hospitalisation complète sur décision du préfet ou sur décision judiciaire peut être prise en charge dans une UMD si elle présente un danger pour autrui tel que les soins, la surveillance et les mesures de sûreté nécessaires ne peuvent être mis en œuvre que dans une unité spécifique. Elle énonçait également que « les modalités d’admission dans une unité pour malades difficiles sont prévues par décret en Conseil d’Etat ». Modalités qui ont effectivement été fixées par un décret du 18 juillet 2011 (5).

Constitutionnalité des dispositions contestées

Dans la QPC, les demandeurs soutenaient que « ni l’article L. 3222-3 du CSP ni aucune autre disposition législative n’encadre les formes ni ne précisent les conditions dans lesquelles une décision de placement en unité pour malades difficiles est prise par l’autorité administrative ». Selon eux, les dispositions contestées feraient ainsi « découler d’une hospitalisation en unité pour malades difficiles, laquelle est imposée sans garanties légales suffisantes, des règles plus rigoureuses que celles applicables aux autres personnes admises en hospitalisation complète, notamment en ce qui concerne la levée de ces soins. En cela, la disposition contestée serait contraire au onzième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946, à l’article 34 de la Constitution, à la liberté d’aller et de venir et au droit au respect de la vie privée, protégés par les articles 2 et 4 de la Déclaration des droits de l’Homme de 1789, ainsi qu’à la liberté individuelle dont l’article 66 de la Constitution confie la protection à l’autorité judiciaire. »

Les demandeurs soutenaient également que l’article L. 3222-3 du code de la santé publique ne précisait pas les conditions dans lesquelles la dangerosité de la personne était appréciée, ni la procédure de placement en UMD puisque ce sont les articles R. 3222-1 et suivants de ce même code, issus du décret du 18 juillet 2011, qui prévoient cette procédure. Ainsi, ils considèrent que la prise en charge dans une UMD entraîne un degré plus rigoureux de privation de la liberté individuelle et que le cadre de cette prise en charge doit être fixé par la loi, non par décret, et prévoir les voies de recours appropriées.

Le Conseil constitutionnel a rejeté les arguments des requérants. Il a tout d’abord jugé que « le régime juridique de privation de liberté auquel sont soumises les personnes prises en charge dans une unité pour malades difficiles n’est pas différent de celui applicable aux autres personnes faisant l’objet de soins sans leur consentement sous la forme d’une hospitalisation complète ». Leur sont en particulier applicables, poursuit-il, l’article L. 3211-3 du CSP, qui fixe les droits dont disposent toutes les personnes hospitalisées sans leur consentement, et l’article L. 3211-12 du même code, qui leur reconnaît le droit de saisir à tout moment le juge des libertés et de la détention aux fins d’ordonner, à bref délai, la mainlevée de la mesure quelle qu’en soit la forme.

Le Conseil constitutionnel a ensuite jugé que, en « renvoyant au décret le soin de fixer les modalités de prise en charge en UMD des personnes faisant l’objet d’une mesure de soins psychiatrique sans leur consentement, le législateur n’a privé de garanties légales aucune exigence constitutionnelle ».

Au final, l’article L. 3222-3 du code de la santé publique est donc conforme à la Constitution même si c’est un décret et non la loi qui fixe les modalités de prise en charge en UMD des personnes faisant l’objet d’une mesure de soins psychiatriques sans leur consentement.

Quid des dispositions du décret ?

Néanmoins, une difficulté subsiste. En effet, comme nous l’avons dit précédemment, l’article L. 3222-3 du code de la santé publique a été abrogé mais les dispositions réglementaires issues du décret d’application de cet article demeurent et continuent de régir les conditions d’entrée et de sorties des patients. Un recours en Conseil d’Etat a d’ailleurs été déposé contre ce décret par le Cercle de réflexion et de proposition d’actions sur la psychiatrie. La Haute Juridiction administrative attendait la décision du Conseil constitutionnel avant de statuer.

[Décision n° 2013-367 QPC du 14 février 2014, NOR : CSCWX1403929S, J.O. du 16-02-14]
Notes

(1) Pour une présentation détaillée de la loi, voir le numéro juridique des ASH Les soins psychiatriques sans consentement – Mars 2012.

(2) Voir ASH n° 2826 du 27-09-13, p. 50.

(3) Commentaire du Conseil constitutionnel, disponible sur www.conseil-constitutionnel.fr.

(4) Voir ASH n° 2757 du 27-04-12, p. 5.

(5) Décret n° 2011-847 du 18 juillet 2011, J.O. du 19-07-11.

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