Le dispositif spécial d’évacuation administrative prévu par la loi « Besson » du 5 juillet 2000 relative à l’accueil et à l’habitat des gens du voyage et mis en œuvre par le préfet ne concerne que les personnes, quelle que soit leur origine, dont l’habitat est constitué de résidences effectivement mobiles et qui ont choisi un mode de vie itinérant. Il ne s’applique pas aux occupants sans titre d’un espace public vivant dans des abris de fortune qui, pour leur part, ne peuvent être évacués que par le biais d’une décision de justice. C’est ce qui ressort d’un arrêt du Conseil d’Etat du 17 janvier dernier, dans lequel la Haute Juridiction a annulé une procédure d’expulsion visant des Roms installés dans plusieurs campements situés sur un campus universitaire. En cause : une « erreur de droit » commise par la juridiction du premier degré qui avait écarté, pour de mauvaises raisons, l’application de la procédure d’évacuation forcée prévue par la loi Besson.
Dans cette affaire, le juge des référés du tribunal administratif de Lille avait, à la demande de l’université de la ville, ordonné l’expulsion des occupants sans titre de parcelles du domaine public situées près de résidences universitaires et du terrain de sport du campus et jugé que, faute d’évacuation des terrains litigieux, l’université pourrait requérir le concours de la force publique. Le magistrat s’était fondé sur l’article L. 521-3 du code de justice administrative, qui lui permet d’ordonner une expulsion dès lors que celle-ci présente un caractère d’urgence, notamment en cas de troubles à l’ordre public ou d’atteinte à la continuité du service public, sans qu’il puisse y avoir de contestation sérieuse quant à l’illicéité de l’opération. Au passage, dans son ordonnance, il avait écarté expressément l’applicabilité de la procédure prévue par la loi « Besson » aux familles occupant sans titre les sites visés par la demande d’expulsion (1). Commettant alors, selon le Conseil d’Etat, une erreur de droit dans son raisonnement.
En effet, après avoir relevé que les familles en question étaient constituées de migrants de nationalité étrangère – venus principalement d’Europe centrale et orientale –, le juge des référés avait estimé que, quel que soit leur type d’hébergement, ces dispositions ne pouvaient leur être appliquées. Or le type d’hébergement est, précisément, un des éléments essentiels qui déterminent le champ d’application du dispositif de la loi Besson. Ainsi, souligne le Conseil d’Etat, entrent dans ce champ d’application « les gens du voyage, quelle que soit leur origine, dont l’habitat est constitué de résidences mobiles et qui ont choisi un mode de vie itinérant ». En revanche, n’y entrent pas les personnes occupant sans titre une parcelle du domaine public « dans des abris de fortune ou des caravanes délabrées qui ne constituent pas des résidences mobiles ».
A noter : le Conseil d’Etat aurait pu statuer directement sur la demande en référé de l’université de Lille… mais n’a pas eu, au final, à le faire, celle-ci étant devenue sans objet. En effet, les campements visés ont, entre-temps, été démantelés.
(1) Procédure qui ne peut être déclenchée que si l’occupation illicite est de nature à porter atteinte à la salubrité, la sécurité ou la tranquillité publique… et si la collectivité concernée respecte ses obligations au regard du schéma départemental d’accueil des gens du voyage.