Rose Ibram a 84 ans et elle est encore tout à fait valide. Mais ces derniers temps, elle multiplie les étourderies. Elle a enclenché la marche arrière de sa voiture sur un rond-point. Elle a acheté trois nouveaux réfrigérateurs en deux mois. En oubliant de fermer son robinet, elle a encore inondé son immeuble. Le diagnostic tombe : maladie d’Alzheimer. Cette pathologie, depuis toujours, Rose la craint. Elle a confié à sa petite fille, Julie Talon, qu’elle préférerait mourir que de « devenir débile ». Réalisatrice, cette dernière filme sa grand-mère, des premiers égarements à la perte totale de repères. Grâce à la forte personnalité de Rose, cela donne un film tragi-comique, émotionnellement puissant, Comme si de rien n’était. Au début, l’octogénaire est dans le déni. Elle se dispute avec ses enfants pour garder son indépendance. Plus tard, elle leur reproche de la laisser dans une grande solitude – alors même que toute la famille est mobilisée pour être à ses côtés : les visites sont oubliées dès la porte refermée. Pour parer à ses propres absences, Rose parsème son appartement de Post-it. Dans son cahier rouge, elle confie ses pensées. Elle y écrit notamment sur sa maladie. Les larmes coulent immanquablement quand elle le relit, à chaque fois qu’elle comprend qu’elle a « Alzheimer ». La question du placement en maison de retraite est vite évincée quand Rose menace de « se jeter du balcon » plutôt que d’y aller. Le jour où elle est mise sous tutelle et qu’on lui enlève sa voiture, elle comprend qu’elle ne pourra plus jamais faire ce qu’elle veut. C’est le coup de massue, pour cette femme qui a toujours revendiqué sa liberté et son indépendance. Un jour, la vieille dame cesse de râler. « A ce moment-là, Rose n’était plus Rose ; sa tête avait déserté », commente Julie Talon dans ce documentaire d’une grande tendresse, qui en apprend bien plus sur la maladie que de nombreux discours scientifiques.
Comme si de rien n’était
Julie Talon – 52 min – En VOD sur