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L’avant-projet de loi « vieillissement » accueilli sans enthousiasme

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Réclamé de longue date par les acteurs du secteur, ce projet de loi n’est pas, dans son premier volet, à la hauteur des attentes. Soulagées qu’un texte soit enfin écrit, les associations ne cachent cependant pas leur déception.

Reporté d’année en année, le projet de loi d’adaptation de la société au vieillissement devrait enfin voir le jour. L’existence du premier volet (voir ce numéro, page 39) est en soi un « premier élément positif », se félicite l’AD-PA (Association des directeurs au service des personnes âgées). C’est « un signal politique fort », assure Hugues Vidor, directeur d’Adessadomicile, reconnaissant la qualité de la concertation préparatoire. L’Union nationale des associations familiales (UNAF) salue la « volonté de prendre en compte le vieillissement de façon globale (logement, transport, prévention, aidants, aides techniques…) ».

Pas de droit universel

Les mesures envisagées – qui ne portent que sur le maintien à domicile – sont pourtant loin de l’ambition initiale des acteurs, qui militent depuis plusieurs années pour la création d’un cinquième risque de protection sociale. Une déception pour Alain Villez, conseiller technique à l’Uniopss (Union nationale interfédérale des œuvres et organismes privés sanitaires et sociaux) : « On espérait que le texte donnerait des perspectives de convergence des droits entre personnes âgées et handicapées. Or il n’y a aucune trace d’évolution vers un droit universel. »

L’autre point noir du projet est, sans surprise, la trop faible enveloppe budgétaire allouée : 650 millions d’euros issus de la contribution additionnelle de solidarité pour l’autonomie (CASA). « Une goutte d’eau ! », note France Alzheimer, bien loin de répondre aux besoins des personnes âgées (1). « Les marges de manœuvre sont assez faibles », regrette Hugues Vidor. L’UNA (Union nationale de l’aide, des soins et des services aux domiciles) relève ainsi que les 350 millions destinés à revaloriser l’allocation personnalisée pour l’autonomie (APA) à domicile – une mesure présentée comme l’« acte II » de l’allocation – concernent 700 000 personnes, « ce qui ne fait que 500 € par personne et par an ! Pour une vraie revalorisation de l’APA, la totalité de la CASA aurait été nécessaire », commente Yves Verollet, son directeur général. A cela s’ajoute « une incohérence » pour France Alzheimer : les revalorisations les plus importantes de l’APA à domicile touchent en priorité les personnes les plus dépendantes (classées en GIR 1 et 2) alors que « 84 % des personnes classées en GIR 1 vivent aujourd’hui en établissement ». Autre inquiétude : la revalorisation des montants de cette allocation s’accompagnera-t-elle d’une hausse réelle des aides accordées ? Rien n’est moins sûr, alerte Alain Villez, qui note qu’« aujourd’hui, le montant moyen des plans d’aide est de 28 % inférieur aux plafonds ». En clair, la tendance des équipes médico-sociales à évaluer les besoins des personnes âgées à la baisse pour limiter les dépenses des con-seils généraux risque bien de continuer…

« Quelques centimes de gagnés »

Plus préoccupant encore, les mesures relatives aux services d’aide à domicile – augmentation des plafonds des plans d’aide, professionnalisation – ne suffiront pas à sortir les structures de leurs difficultés. L’enveloppe de 25 millions d’euros qui doit financer un « plan métiers » pour le secteur et permettre la revalorisation des salaires des professionnels est vécue comme une provocation par les fédérations. « Cette somme va permettre de gagner quelques centimes sur les frais kilométriques et évitera un nouveau tassement des grilles de salaires au niveau du SMIC. On est loin d’un réel “plan métiers” permettant de créer des emplois de qualité ! », dénonce Yves Verollet. « Ces mesures ne sont pas de nature à inverser la tendance à la déqualification des salariés pour des raisons économiques », juge Alain Villez. Les associations resteront écartelées entre l’injonction de former les professionnels et le refus des départements de financer les coûts. Plus globalement, la question du financement du secteur de l’aide à domicile n’est pas abordée. « Le projet de loi ne s’attaque pas au problème de la non-compensation des allocations de solidarité (PCH, APA) qui explique en partie la fermeture de nos structures », déplore Guy Fontaine, secrétaire général de la Fnaapf-CSF (Fédération nationale des associations de l’aide familiale populaire-Confédération syndicale des familles) (2). L’UNA – qui formule 84 propositions (3) – demande la création d’un fonds de garantie et de développement du secteur de l’aide à domicile qui serait cogéré par les représentants de la branche de l’aide à domicile et la caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA). Son financement serait alimenté par une cotisation des acteurs de la branche et une contribution des conseils généraux.

Les associations relèvent néanmoins deux motifs de satisfaction. Premier d’entre eux, l’inscription, dans le projet de loi, de l’expérimentation du modèle de tarification imaginé par le Collectif de l’aide à domicile et l’Assemblée des départements de France (ADF) sous la forme d’un droit d’option. Les conseils généraux qui le souhaitent pourraient financer les services à domicile au forfait (et abandonner la tarification à l’heure). Reste que « loin de simplifier le millefeuille – dans lequel on a déjà l’agrément et l’autorisation –, ce nouveau droit d’option risque de complexifier un peu plus le paysage de l’aide à domicile », nuance Guy Fontaine. Deuxième satisfaction : le développement des services polyvalents d’aide et de soins à domicile (Spasad) – qui regroupe des services d’aide à domicile et des services de soins infirmiers à domicile – que réclament les associations (4).

« Forfait autonomie » : trop limité

Annoncée comme « un nouveau souffle pour les logements-foyers », la création du « forfait autonomie » pour ces structures déçoit. Pour la Fnadepa (Fédération nationale des associations et directeurs d’établissements et services pour personnes âgées), ce forfait ne permettra d’octroyer qu’un demi-poste par structure, ce qui ne leur permettra pas d’« assurer réellement la prévention de la perte d’autonomie ». « Les logements-foyers attendaient un forfait autonomie plus large, mieux structuré, les autorisant à recruter ergothérapeute, psychologue, animateur ou aide médico-psychologique. » De son côté, l’Union nationale des centres communaux d’action sociale (Unccas) regrette que le forfait autonomie ne soit envisagé que pour les établissements qui ne perçoivent pas de « forfait soins courant » (FSC) versé par l’assurance maladie pour rémunérer les personnels de soins. 25 % des logements-foyers gérés par les CCAS perçoivent déjà le FSC et seraient donc « écartés » de ce nouveau forfait, déplore l’union. Par ailleurs, elle souhaite que la gestion du forfait autonomie revienne à la caisse nationale d’assurance vieillesse selon un cahier des charges national – garantissant ainsi le principe d’égalité – et non à une conférence des financeurs présidée par le conseil général comme le prévoit le projet de loi. « Faute de précisions sur ces conférences et les modalités d’octroi du forfait », l’Unccas est bien décidée à « veiller à ce que les établissements ne soient pas obligés d’aller chaque année “à la pêche” aux subventions si une formule de type “appels à projets” était retenue ». La Fnadepa regrette également la part réduite du plan d’aide à l’investissement de la CNSA consacré aux logements-foyers, qui ne leur permettra pas de se mettre aux normes et de se moderniser.

Plus globalement, le projet de loi renforce les pouvoirs des conseils généraux. D’où la crainte de France Alzheimer que la future loi « accentue les inégalités territoriales ». « Au regard d’une situation budgétaire départementale déjà complexe et de critères d’évaluation des niveaux de dépendance propres à chaque département, nul doute que les dotations départementales seront différentes d’un département à l’autre. » France Alzheimer souhaite que le renforcement du rôle des départements s’accompagne « d’une harmonisation minimale sur tout le territoire des critères d’évaluation des niveaux de dépendance ». Enfin, l’UNAF salue les mesures envisagées à destination des aidants familiaux et espère que, au moins sur ce thème, une convergence entre les secteurs du handicap et du grand âge puisse émerger.

Notes

(1) France Alzheimer vient de publier un Manifeste pour une réforme adaptée aux besoins concrets des familles – Voir notre article du 11-02-14 sur www.ash.tm.fr, rubrique « Actualités ».

(2) L’accord du 16 juillet 2013 sur le financement des allocations de solidarité doit permettre aux conseils généraux de trouver d’autres sources de financement pour compenser la non-compensation de l’Etat – Voir ASH n° 2819 du 19-07-13, p. 19. Un rapport d’information a déjà indiqué que cet accord ne suffirait pas à « résorber la différence entre dépenses effectuées par les départements et compensations apportées par l’Etat » – Voir ASH n° 2837 du 13-12-13, p. 9.

(3) Voir notre article du 10-02-14 sur www.ash.tm.fr, rubrique « Actualités ».

(4) Voir ASH n° 2835 du 29-11-13, p. 14.

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