Sept ans après la mort de l’abbé Pierre, que reste-t-il de ses combats ? Un héritage « lourd à porter », mais défendu farouchement par ceux qui, de son vivant déjà, s’étaient attelés à poursuivre sa tâche. C’est ce que racontent, dans Un combat en héritage, Raymond Etienne, président de la Fondation Abbé-Pierre, et Laurent Desmard, ancien secrétaire particulier de l’abbé, sous la plume de Thierry Delahaye. Monographie vivante et documentée, l’ouvrage retrace, certes, les luttes et prises de position du fondateur charismatique d’Emmaüs, mais surtout la mise en place de la fondation qui porte son nom. L’abbé considérait l’obtention d’un toit comme le préalable indispensable pour « accéder au devoir d’exister ». A côté d’Emmaüs, à la vocation plus large – insertion par l’activité économique, droit d’asile, précarité sociale, solidarité internationale, etc. –, la fondation s’est donc concentrée sur la production de logements sociaux et la lutte contre les taudis, au moyen d’une stratégie toujours d’actualité : agir, expérimenter, interpeller. « L’action est un moyen de connaître les besoins, l’analyse est indispensable pour comprendre puis expérimenter des réponses. Et l’ensemble permet l’interpellation », expliquent les auteurs. « Je ne suis pas satisfait que mon nom soit utilisé par la Fondation, mais je dois reconnaître que c’est utile », déclarait encore l’abbé Pierre en février 2000. A l’évidence, ses héritiers sont parvenus à maintenir vivant, sans pour autant s’en trouver écrasés, son esprit d’insolence mesurée. Une position joliment résumée par Raymond Etienne, soixante ans après l’appel à « l’insurrection de la bonté » qui fit connaître l’abbé : « Pour qu’effectivement le combat contre le mal-logement soit mené, je crois qu’il faut déclarer l’hiver 1954 tous les jours. »
Un combat en héritage
Fondation Abbé-Pierre – Ed. Actes Sud – 22 €