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« Ont-ils vraiment perdu la tête ? »

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« Dire que mes collègues pensent que mes patients sont ennuyeux. » En une centaine de pages, Véronique Griner-Abraham, psychiatre auprès des personnes âgées, prouve le contraire. Peut-on rire des vieux ? Des fous ? Des vieux fous ? A la lecture de Vieillissimo, c’est inévitable. L’auteure et sa plume malicieuse proposent une plongée dans son univers. Pas de voyeurisme, dans les extraits de certains des entretiens qui ont marqué ses vingt-cinq ans de carrière, mais une véritable affection pour ces « vieux » qu’elle a choisi de soigner. Véronique Griner-Abraham se définit comme « la spécialiste de ceux qui perdent la tête ». A ceux qui résument la vieillesse « à des odeurs d’urine et à des lits médicalisés » elle répond : « J’aime les vieux parce que j’aime les histoires. J’aime les histoires longues et les bons conteurs. Tous mes patients me racontent une histoire. Il y en a des drôles, des tristes, des belles, beaucoup d’histoires de guerre et d’histoires d’amour. » Parmi ses patients, il y a les pragmatiques, les réalistes, les « chroniques ». Il y a Marie, qui vit dans sa maison depuis cinquante ans, mais ne reconnaît plus les lieux et réprimande son mari tous les soirs parce qu’il a le toupet de s’allonger dans son lit. Il y a Françoise, la militante – « elle ne sait pas pourquoi, mais elle milite » –, et Suzanne, qui accumule de la nourriture dans sa chambre. Il y a ce monsieur qui prépare ses valises pour rejoindre le front quand il regarde un documentaire sur de Gaulle – « On dit que, dans la démence, les tâches de vie non correctement accomplies viennent obséder le patient. » Et la psychiatre de se demander : « Ont-ils vraiment perdu la tête ? Je suis une sceptique, une dubitative, même quand l’évidence est là […]. La vie psychique est là, différente, mais elle est là et aucune imagerie n’objectivera cette vie singulière. » Happé par son univers dès les premières pages, on savoure celles qui se déroulent dans les établissements d’hébergement pour personnes âgées dependantes (EHPAD). « Combien de fois ne suis-je pas sortie plus détendue d’une visite en maison de retraite, après des entretiens empreints de drôlerie et de finesse ? », commente l’auteure, pour qui une institution n’est rien sans ses quelques « psychopathes » : « Ceux qui fument dans les toilettes et font sonner l’alarme d’incendie, troquent leurs bonbons contre du tabac, nourrissent les chats de gouttière, se maquillent outrageusement et arrivent à la salle à manger en nuisette, perchés sur des chaussures échasses, comme des starlettes de la Côte d’Azur… Moi je les adore, mes starlettes ! »

Vieillissimo

Véronique Griner-Abraham – Ed.Presses de l’EHESP – 10 €

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