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La Cour des comptes plaide pour une remise à plat des mesures fiscales en faveur des personnes handicapées

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Dans son dernier rapport annuel, rendu public le 11 février (1), la Cour des comptes s’est intéressée – entre autres sujets – aux différents dispositifs fiscaux à destination des personnes handicapées. Elle s’y montre extrêmement critique, dénonçant notamment « un empilement de mesures sans cohérence », un dispositif « déconnecté de la politique du handicap » ou bien encore « une fiscalité vecteur d’inégalités » entre les publics concernés.

Près de 5 millions de personnes sont handicapées et peuvent bénéficier, à côté de pensions et d’allocations, de dispositifs fiscaux dont le coût est estimé entre 3,5 et 4 milliards d’euros par an. Mais « la question se pose » non seulement de l’impact financier réel de ce dispositif fiscal, mais aussi de sa « contribution à la satisfaction des besoins des personnes handicapées et de son efficacité pour la politique publique en faveur du handicap », estime la Haute Juridiction financière, qui plaide en conséquence pour une remise à plat.

Un empilement de mesures sans cohérence

La Cour des comptes déplore, en premier lieu, le manque de lisibilité du dispositif fiscal en faveur des personnes handicapées. La majorité des mesures fiscales parmi la soixantaine recensée concerne des populations plus étendues que les seules personnes handicapées – beaucoup englobent notamment les personnes âgées de condition modeste. Certaines peuvent aussi constituer un élément d’une politique plus large, la prise en compte des personnes handicapées intervenant alors comme un aménagement ou une dérogation à une mesure de portée plus générale (exemple : majoration du plafond du quotient familial). « Mais, à aucun moment, elles ne sont présentées comme le volet fiscal de la politique globale en faveur des personnes handicapées. » Cette présentation, regrettent les sages de la rue Cambon, « ne permet pas d’appréhender dans leur globalité les moyens mobilisés » dans le cadre de cette politique. « Elle rend peu compréhensible la fiscalité en faveur des personnes handicapées », qui concerne par ailleurs une grande variété d’impôts.

La Cour des comptes fustige, au-delà, un dispositif « déconnecté de la politique du handicap ». « Résultat d’un empilement historique de mesures disparates », les mesures fiscales n’ont pas été réexaminées au fur et à mesure de l’évolution du régime des prestations sociales à destination des personnes handicapées (en particulier à la suite de l’entrée en vigueur de la loi « handicap » du 11 février 2005), « ce qui explique que ces deux domaines d’intervention publique s’articulent peu ». Plusieurs dispositifs fiscaux interviennent ainsi dans le même champ que les prestations sociales. A titre d’exemple, la prestation de compensation du handicap (PCH) se superpose, pour les particuliers, à l’ensemble des dépenses fiscales liées à l’appareillage des personnes handicapées, à l’aménagement du domicile et, de façon générale, à l’accessibilité et à la mobilité.

Les mesures fiscales s’articulent mal également entre elles. Ainsi, certaines, parfois assez proches par leur objet, peuvent prévoir des conditions différentes de handicap. A titre d’exemple, les critères de handicap ne sont pas les mêmes pour les exonérations de la taxe d’habitation et pour celles de la taxe foncière sur les propriétés bâties. La Haute Juridiction financière relève, de la même façon, un défaut de cohérence entre les niches sociales relatives à l’aide à domicile et les mesures fiscales poursuivant le même objectif.

Un facteur d’inégalités entre les personnes handicapées

Autre critique : les effets de la fiscalité liée au handicap « ne sont pas appréhendés ». La Cour des comptes estime ainsi que les contribuables tirant un bénéfice réel des mesures fiscales sont en nombre limité et souvent surestimé. « L’effet cumulatif est trompeur. En réalité, peu de contribuables peuvent bénéficier de l’ensemble des mesures prévues, notamment en matière d’impôt sur le revenu », indique le rapport. En outre, le coût réel des avantages fiscaux accordés n’est pas véritablement connu, pas plus que leurs conséquences sur l’accès aux prestations sociales, leur incidence sur le revenu des personnes handicapées ou le service rendu au regard de leurs besoins en termes d’insertion, de mobilité et de maintien à domicile.

Encore plus gênant : en prenant en considération davantage l’origine du handicap que son degré de gravité, et en tenant insuffisamment compte des revenus des personnes concernées, le dispositif fiscal peut introduire,voire renforcer, des inégalités de revenu entre les personnes handicapées elles-mêmes. « Il en est ainsi dans de nombreux cas entre des personnes présentant un degré de handicap comparable. »

Repenser une meilleure articulation entre mesures fiscales et sociales

Face à ce constat, entre autres recommandations, les sages de la rue Cambon appellent le gouvernement à procéder à un réexamen d’ensemble des mesures fiscales et sociales, dans l’objectif d’améliorer leur articulation : suppression des doublons, incohérences et complexités inutiles ; renforcement des complémentarités ; prise en compte de leurs effets sur les disparités de revenus entre personnes handicapées. A leurs yeux, devraient être révisées en priorité, notamment :

→ les mesures portant sur la compensation du handicap, en particulier la PCH, les exonérations de charges et les dépenses fiscales visant le même objectif (majoration du plafond de dépense pour les emplois à domicile, déduction au titre de l’équipement de la résidence, etc.) ;

→ les nombreuses aides à l’accessibilité, fiscales, sociales (PCH, notamment) ou autres (prime à l’amélioration des logements locatifs, notamment).

On notera que, dans sa réponse publiée dans le rapport, la ministre des Affaires sociales et de la Santé s’est dite « particulièrement sensible à la démonstration de la Cour des comptes relative aux difficultés d’articulation entre les dispositifs fiscaux et d’exonérations sociales et les allocations sociales qui sont déployées dans le champ de la politique du handicap ». L’année 2014, promet Marisol Touraine, « en lien avec le chantier de remise à plat de la fiscalité » des ménages, pourra être l’occasion de « repenser une meilleure articulation, que ce soit en termes de finalités ou en termes juridiques, entre les dispositifs d’exonérations fiscales et sociales et les politiques d’action sociale auxquelles ils sont rattachés ».

LES AUTRES CRITIQUES DE LA COUR DES COMPTES

Au-delà des avantages fiscaux accordés aux personnes handicapées (voir ci-dessus), la Cour des comptes a également, dans son dernier rapport annuel, passé au crible plusieurs autres politiques publiques intéressant le secteur social et médico-social. L’intitulé des chapitres qui y sont consacrés donne le ton :

• « Des internats d’excellence à ceux de la réussite : la conduite chaotique d’une politique éducative et sociale » ;

• « Le service civique : une ambition forte, une montée en charge à maîtriser » ;

• « La santé des personnes détenues : des progrès encore indispensables » ;

• « La transformation des foyers des travailleurs migrants en résidences sociales : une politique à refonder ».

Dans la partie de son rapport qui traite des suites données à ses recommandations antérieures, la Cour des comptes a aussi abordé des thématiques sociales, avec, là encore, des intitulés de chapitres assez parlants :

• « L’organisation de l’adoption internationale en France : une réforme à poursuivre » ;

• « Le groupement d’intérêt public enfance en danger (GIPED) : des missions insuffisamment assurées » ;

• « Pôle emploi : des progrès à amplifier dans la lutte contre la fraude aux allocations chômage » ;

• « L’indemnisation des victimes de l’amiante : des priorités à mieux cibler ».

Notes

(1) Rapport disponible sur www.ccomptes.fr.

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