Face aux alertes répétées sur la détérioration des conditions de travail des personnels, le comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) de la caisse d’allocations familiales (CAF) des Bouches-du-Rhône a commandé, dès 2010, un premier bilan des risques psychosociaux ciblé sur les travailleurs sociaux. Ses conclusions, qui faisaient pourtant état d’une « organisation pathogène » du travail, n’ont pas été prises en compte par la direction, qui a même contesté l’étude devant le tribunal… avant d’être déboutée.
En réponse à la situation vécue par les techniciens conseils du district d’Aix-en-Provence, qui pointaient une longue série de dysfonctionnements (manque de personnel et de formation, intensification du travail, mise en concurrence des salariés, multiplication des incidents…), une seconde expertise, réalisée par le cabinet Syndex, a cette fois porté sur l’ensemble des personnels dédiés à l’accueil. Remis en mars 2013, les résultats du rapport (1) sont préoccupants. « Les conditions d’accueil physique restent insatisfaisantes pour 83 % des agents », note Syndex. Ces derniers sont « confrontés de façon croissante à des “incivilités” du public, ce qui dégrade leurs conditions de travail ». Bien que la direction ait mis en place plusieurs dispositifs (comme un guide pour faire face aux incivilités ou la présence de gardiens d’une société privée), le problème est, selon le personnel, « sous-évalué » et les moyens mis en place « insuffisants et souvent défaillants ». Le cabinet relève également « un sentiment de débordement » ainsi qu’une « forte demande de rendement » : les agents se plaignent en particulier d’une « montée d’impératifs quantitatifs et de contrôle du temps » – à l’instar des techniciens conseils qui ont un temps d’accueil décompté : trois minutes pour le pré-accueil, vingt minutes pour l’accueil en box. Autre point mis en évidence : la fragilisation des équipes face à un « dispositif de formation insuffisant par rapport aux évolutions de l’activité » marquée par une « complexité croissante ». Syndex note encore « une perte de sens » du travail avec des demandes en « contradiction avec l’éthique professionnelle ».
Les chiffres en matière de santé sont alarmants : plus d’un agent sur deux ayant participé à l’enquête indique « être stressé » et près de 30 % « ressentent des troubles du sommeil » du fait de leur travail. Par ailleurs, 22 % consultent un médecin pour des problèmes professionnels, 17 % disent pleurer à cause de leur travail et 38 % affirment « avoir une vie hors travail influencée négativement ». Dans ce contexte, il n’est guère étonnant que les salariés se déclarent inquiets « sur l’avenir du métier », voire méfiants « face aux orientations stratégiques et à l’accompagnement des changements ». Parmi d’autres préconisations, Syndex avance la nécessité de mieux traiter la charge de travail, ce qui « passe par le renforcement des ressources » : « La question des moyens humains ne peut être écartée », affirme le cabinet.
Parallèlement à ce diagnostic, la direction a rendu publique, en novembre 2013, sa propre évaluation, dont les conclusions pointent également une dégradation des conditions de travail. « Mais le rapport reste modéré dans ses préconisations qui relèvent plus de la stratégie de communication pour faire avaler la pilule du changement et du manque de moyens aux salariés », observe Christelle Coutelan, secrétaire générale UGICT-CGT de la CAF. La direction, qui se dit consciente des difficultés, organise des groupes de travail pour réfléchir à des solutions – « mais en dehors du cadre du CHSCT, ce qui revient à priver ses membres de leurs prérogatives et moyens d’actions », déplore la syndicaliste.
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