Espaces sonores de relégation

Quel lien y a-t-il entre la cité de la Grande Borne, à Grigny (Essonne), et Gilly, un des quinze quartiers qui constituent Charleroi, la plus grande commune de Wallonie (Belgique) ? Les deux sont considérés comme des espaces de relégation, souvent secoués par des révoltes sociales. L’émission Sur les docks de France Culture a posé son micro dans ces deux lieux où de nombreuses problématiques sociales se côtoient, et en a tiré Sur la corde raide, un reportage en deux parties. Dans la première, consacrée à la Grande Borne, les journalistes ont rencontré les professionnels du centre de vie sociale, les médiateurs de quartier et les éducateurs sportifs du club Vivacité. Ces militants de l’éducation populaire, qui vont à l’épreuve du feu et se battent pour « leur apporter des éléments de formation et de socialisation », sont persuadés que les jeunes de Grigny ne peuvent pas être réduits à des délinquants. Selon eux, « quand on cadre les gens, ils ne font pas n’importe quoi ». Même s’ils admettent aussi être parfois eux-mêmes victimes d’agressivité ou d’agressions…

La seconde partie donne la parole à des responsables associatifs, des élus et les médecins du cabinet Espace Temps du quartier de Gilly. Longtemps habité par les classes moyennes, valorisé par son dynamisme économique et son capital social, ce lieu a complètement changé de visage ces dernières années. Les braquages s’y multiplient et les jeunes qui errent dans la rue donnent l’impression d’une vie sociale limitée aux réseaux de connaissance ethnique. « Chaque groupe se côtoie peu, de sorte que la vie urbaine est influencée par des signes d’hostilité ou d’indifférence à l’Autre », indiquent les reporters. Entre chaque entretien, des extraits de rap interprétés par les jeunes des deux quartiers témoignent à la fois de leur créativité et de leur rage.