La fédération est passée de trois associations adhérentes en 1998 à 67 aujourd’hui. Nous faisons un travail de terrain considérable : nous écoutons les patients et les dirigeons vers des associations locales, allons les voir à l’hôpital, organisons des formations destinées aux usagers qui vont siéger dans les instances régionales. Notre première grande victoire a été la signature, en décembre 2000, de la « Charte de l’usager en santé mentale », avec le ministère de la Santé et la conférence des présidents de CME des CHS (1). Ce texte – distribué à plus de 5 000 exemplaires dans les hôpitaux et les maisons de retraite – affirme que le patient en psychiatrie est une personne à qui on doit expliquer pourquoi il est hospitalisé et comment il va être soigné. Cette charte nous a permis de défendre l’accès des usagers à leur dossier médical dans le cadre de la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades – dite loi « Kouchner ». En 2005, nous avons défendu l’inscription des groupes d’entraide mutuelle dans la loi « handicap ». Puis, nous nous sommes battus pour que les articles sur la psychiatrie soient retirés du projet de loi de prévention de la délinquance. Enfin, nous avons réussi à infléchir le texte de la loi sur les soins sans consentement votée en juillet 2011 et obtenu que la décision de levée des soins reste au médecin et non au préfet.
La parole des usagers est reprise en main par les professionnels. Ceux-ci reprennent possession de notre vie, alors que la loi « Kouchner » donnait la parole au malade. Nous seuls pouvons dire ce que nous sommes capables de faire, travailler ou pas. C’est un retour en arrière ! On assiste à une instrumentalisation de la parole des anciens patients : on les fait témoigner dans des colloques ou dans les médias à titre individuel, sans aucun suivi, alors que la Fnapsy est justement là pour intervenir au nom d’un collectif. Cela se traduit aussi par une chute de la subvention du ministère de la Santé, qui est passée, entre 2011 et 2012, de 170 000 à 70 000 €. On voit aussi les résistances à l’application de la loi « Kouchner » dans les services de psychiatrie. Tout patient hospitalisé peut désigner une personne de confiance pour l’accompagner tout au long des soins et des décisions à prendre. Or les personnes hospitalisées sous contrainte en sont privées. Pourtant, dans les pays nordiques ou au Québec, cette personne de confiance – payée par une association d’usagers – est systématiquement nommée quand une personne est hospitalisée sans consentement. Les résultats sont là : sur 100 patients, 67 acceptent de se faire hospitaliser librement. En acceptant de se faire soigner, elles sortent du déni de la maladie.
C’est une grande déception. Sur les 30 médiateurs qui se sont lancés en 2011, il n’en reste plus que dix en poste. Le médiateur est trop dépendant du chef de service et a du mal à trouver sa place dans une équipe de soignants. Nous militons pour qu’il ne soit pas rattaché à un service, mais mis à disposition de l’hôpital par une association d’usagers. En cas de problème, il peut ainsi se tourner vers l’association.
Je deviens directrice de la fédération. Richard Palombo en est le nouveau président (3). Pour nous faire entendre des pouvoirs publics, nous allons créer, avec l’Unafam (Union nationale de familles et amis de personnes malades et/ou handicapées psychiques), une plateforme commune de propositions et d’actions : l’Union nationale des associations de la psychiatrie (Unapsy). Il ne s’agit pas de remplacer la Fnapsy et l’Unafam, qui garderont leur identité et leur action propres. Nous allons porter des sujets communs, comme le logement des usagers, la prévention ou la stigmatisation.
Je souhaite désormais faire moins de militantisme et me tourner vers la réflexion sur l’éthique en psychiatrie.
(1) Conférence nationale des conférences médicales d’établissements de centres hospitaliers spécialisés.
(2) Voir ASH n° 2739 du 30-12-11, p. 20.
(3) Président de l’association OSE (Ouest-sud-est), il était, depuis cinq ans, vice-président de la Fnapsy.