Comment est ressentie la qualité de vie au travail dans l’économie sociale et solidaire (ESS) ? Alors que le projet de loi visant à développer ce secteur doit revenir au Parlement en avril, la mutuelle Chorum rend public un premier « baromètre » réalisé auprès de 6 261 personnes (1). Ces résultats, qui ont la particularité de croiser la parole des dirigeants (salariés et élus) et des autres salariés (cadres et non cadres), devraient donner lieu « à des travaux par branche et par territoire au cours de l’année 2014, en appui au dialogue social », afin de définir des pistes d’action (2).
Dans l’échantillon, les principaux secteurs d’activité de l’ESS sont représentés, les services pour personnes handicapées et inadaptées en tête (21 %), suivis des centres sociaux et socioculturels et associations d’accueil de jeunes enfants (16 %) et des services à domicile (8 %). Premier enseignement : la perception de la qualité de vie au travail se traduit par une note moyenne de 6,3/10, très légèrement supérieure à la moyenne nationale. Ces résultats globaux sont néanmoins à nuancer : les dirigeants sont plus nombreux (91 %) à être satisfaits que les autres salariés (77 %). Sans surprise non plus, les résultats varient selon les fonctions. La note attribuée par les salariés tombe à 6,1 quand ils sont en contact direct avec les usagers ou les clients. Et elle chute à 4,6 « pour les 26 % de salariés qui ne reçoivent pas un soutien satisfaisant de leur manager dans les situations difficiles ». Tandis que 46 % des dirigeants trouvent que leur travail empiète sur leur vie privée, 37 % des autres salariés estiment qu’ils exercent un travail « impliquant des contraintes posturales ». 23 % perçoivent des douleurs articulaires ou une gêne en lien avec les manutentions réalisées.
Les acteurs de l’ESS sont très majoritairement satisfaits du contenu de leur travail. « Ce sentiment s’explique en grande partie par la conviction quasi unanime qu’ont les personnels de l’ESS de comprendre leur rôle au sein de la structure [89 % pour les salariés non dirigeants et 94 % pour les dirigeants] et d’être utiles » aux usagers (respectivement 81 % et 92 %). A cela s’ajoute un regard positif porté sur leur capacité d’autonomie. Cependant, 73 % des dirigeants et 55 % des autres salariés estiment subir « une pression excessive dans le cadre de leur travail quotidien », voire dénoncent une quantité de travail excessive (59 % et 50 %).
Plus préoccupant, dirigeants (32 %) et salariés non dirigeants (46 %) perçoivent une dégradation de leur qualité de vie au travail ces dernières années. Ces derniers ne sont d’ailleurs que 58 % à être confiants dans leur avenir professionnel. « Baisse des financements publics, manque de moyens, évolution de la demande sociale : les contraintes externes sont nombreuses et pèsent sur un secteur largement dépendant des pouvoirs publics », relève le baromètre. Les fusions et regroupements, qui concernent un tiers des personnes interrogées, entraînent une évolution des métiers et une perte de confiance. A tel point que seulement un tiers des effectifs « se sent rassuré pour son emploi » à la suite de ces opérations. Si, pour les salariés non dirigeants, la relation avec le public est un facteur de reconnaissance, elle est aussi source d’inquiétude : 62 % évoquent des « attitudes verbales parfois agressives » et 21 % disent redouter une agression physique. Il n’en reste pas moins que la majorité des personnes sondées expriment leur attachement à l’ESS : 92 % des dirigeants et 85 % des autres personnels souhaitent poursuivre leur carrière dans le secteur.
(1) Sondage CSA réalisé par Internet du 30 septembre au 28 octobre 2013. Un comité de pilotage paritaire et un comité scientifique ont participé à son élaboration.
(2) Les résultats d’une enquête sur la santé au travail dans les établissements relevant des accords CHRS viennent également d’être rendus publics – Voir ASH n° 2844 du 24-01-13, p. 13. Par ailleurs, la commission nationale paritaire de négociation de la CC 66, qui devrait prochainement entamer des négociations sur la révision de son régime de prévoyance, a décidé de mener une enquête pour comprendre les causes de la dégradation du régime et engager un plan d’action.