Dans son rapport 2013 sur l’application de la Charte sociale européenne, publié le 29 janvier (1), le Comité des droits sociaux du Conseil de l’Europe constate près de 180 cas de violation de ce texte par ses 38 Etats membres dans les domaines de la santé, de la sécurité sociale et de la protection sociale. La France, elle, sur la période allant du 1er janvier 2008 au 31 décembre 2011, présente 12 situations de conformité et sept situations de non-conformité dont plusieurs concernent les droits des Roms et l’accès au revenu de solidarité active (RSA). « Depuis 2009, les politiques nationales n’ont visiblement pas pu enrayer une hausse généralisée de la pauvreté en Europe, estime le comité. La crise économique […]et les mesures d’austérité adoptées en conséquence se sont répercutées de manière négative sur le respect effectif des droits de l’Homme et en particulier sur les droits sociaux et économiques », conclut-il.
La Charte sociale européenne, qui constitue le pendant économique et social de la Convention européenne des droits de l’Homme, a été ratifiée par la France le 7 mai 1999. D’après le Comité des droits sociaux du Conseil de l’Europe, l’Hexagone applique correctement ses articles 14 (droit au bénéfice des services sociaux) et 23 (droit des personnes âgées à une protection sociale). En revanche, elle viole les articles relatifs à la sécurité et à l’hygiène dans le travail (article 3), au droit à la protection de la santé (article 11), au droit à la sécurité sociale (article 12), au droit à l’assistance sociale et médicale (article 13) et au droit à la protection contre la pauvreté et l’exclusion sociale (article 30). La majorité des violations concerne les droits des Roms migrants, et porte en particulier sur l’article 11 de la charte. Le Comité constate en effet que, quelle que soit leur situation au regard du séjour, les Roms « n’ont pas un accès adéquat aux soins de santé », que les enfants et les femmes enceintes ne bénéficient pas assez de consultations médicales gratuites et régulières et que la prévention des maladies et des accidents dans ces communautés est insuffisante. Dans un autre domaine, le Comité considère que « la politique du logement en faveur des Roms migrants était insuffisante dans la mesure où traiter les Roms migrants de la même façon que le reste de la population, sans prendre de mesures adaptées à leur situation différente, constituait une discrimination ». Et que, sur ce point, la France viole donc l’article 30 de la charte.
Une série d’autres violations concerne l’article 13 de la charte relatif au droit à l’assistance sociale et médicale. Le Comité considère notamment que la situation de la France n’est pas conforme à cet article au motif que les jeunes de moins de 25 ans n’ont pas tous droit au RSA (2). Il rejette l’argument avancé par le gouvernement français « selon lequel le système actuel vise à encourager la solidarité familiale dans la lutte contre la pauvreté ». Selon lui, la solidarité familiale ne peut être considérée comme une source de revenu suffisamment certaine pour quelqu’un qui est sans ressources et « constitue davantage une “valeur morale sans caractère juridique” ». Il estime, en outre, qu’il n’est pas établi que le niveau de l’assistance sociale soit suffisant. En 2009, relève-t-il, le montant du RSA « socle » était de 454,63 € pour une personne seule, et le seuil de pauvreté de 818,50 €. Or le montant cumulé de cette prestation de base et des prestations complémentaires (aides au logement…) était inférieur, cette même année, au seuil de pauvreté.
Enfin, le Comité dénonce le fait que les étrangers ressortissants de pays non européens qui possèdent un titre de séjour temporaire doivent justifier d’une période de résidence de cinq ans en France pour bénéficier du RSA.
(1) Rapport disp. sur
(2) En effet, seuls ceux qui assument la charge d’un ou de plusieurs enfants et ceux qui ont travaillé au moins deux ans à temps plein au cours des trois dernières années ouvrent droit au RSA.