Le 23 janvier, les sénateurs ont adopté, en première lecture, une proposition de loi portant réforme de la comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité (CRPC) créée en 2004 par la loi « Perben II ». Un dispositif qui, selon l’exposé des motifs du texte, « va à l’encontre des grands principes de la procédure pénale » […] et de l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’Homme qui prescrivent le droit à un procès équitable. En effet, rappelle-t-il, « après avoir décidé de l’opportunité des poursuites, le parquet proposera à la personne poursuivie, qui en échange devra reconnaître sa culpabilité, une peine automatiquement inférieure à la peine encourue, équivalent parfois au cinquième de la sanction seulement. Se crée alors un déséquilibre entre les parties à l’accord qui rend tout à fait illusoire la liberté du consentement tant à la mesure qu’à la peine. » En pratique, poursuit l’exposé des motifs, « ce mode de poursuite a pour objet la gestion des flux de dossiers. Le recours à la CRPC varie par conséquent en fonction de l’engorgement de la juridiction. » Ce qui constitue une « vraie inégalité procédurale » pour les mis en cause qui seront alors traités différemment (voie traditionnelle de l’audience correctionnelle ou CRPC), déplore le rapporteur (RDSE) de la proposition de loi, Pierre-Yves Collombat.
Afin de rétablir l’équilibre entre les parties, le texte énonce donc que, après avoir vérifié la réalité des faits et leur qualification juridique, ainsi que – ce qui est nouveau – la régularité de la procédure et le caractère justifié des peines proposées par le procureur de la République au regard des circonstances de l’infraction et de la personnalité de son auteur, le président du tribunal de grande instance ou le juge délégué par lui pourra décider d’homologuer ces peines. Il pourra, à l’avenir, refuser l’homologation s’il estime que la nature des faits, la personnalité de l’intéressé, la situation de la victime ou les intérêts de la société justifient une audience correctionnelle, ou si les déclarations de la victime apportent un éclairage nouveau sur les conditions dans lesquelles l’infraction a été commise ou sur la personnalité de son auteur.
En outre, à l’heure actuelle, lorsque le parquet recourt à cette procédure, la victime doit en être informée sans délai et par tout moyen. Et être invitée à comparaître en même temps que l’auteur des faits, accompagnée, le cas échéant, de son avocat pour se constituer partie civile et demander réparation de son préjudice. C’est-à-dire, en pratique, uniquement au stade de l’audience d’homologation. « Or, explique le rapporteur, ses observations pourraient, dans certains cas, permettre au procureur de mieux apprécier les faits commis par la personne mise en cause ou sa personnalité, et par conséquent de mieux adapter les peines proposées lors de l’entretien avec celle-ci » (Rap. Sén. n° 120, 2013-2014, Collombat, page 25). La proposition de loi permet donc à la victime d’adresser ses observations au procureur de la République avant qu’il ne s’entretienne avec le mis en cause pour négocier sa peine.
Autre point de procédure modifié : actuellement, le code de procédure pénale n’interdit pas au procureur de la République d’engager simultanément à la CRPC une procédure de convocation devant le tribunal correctionnel. La saisine du tribunal est toutefois caduque si le mis en cause accepte la ou les peines proposées et que celles-ci sont homologuées. La proposition de loi réécrit ces dispositions, en prévoyant que la saisine du tribunal ne sera caduque que si l’intéressé se présente devant le procureur. Il en sera informé lorsque la convocation en justice lui sera remise. La date de comparution à l’audience du tribunal correctionnel devra être fixée au moins dix jours après la date de comparution devant le procureur.