« La santé est au cœur du débat politique local », fait valoir Médecins du monde, qui rappelle que les villes ont une « responsabilité partagée » en la matière. A l’approche des élections municipales de mars prochain, l’association a mené, en décembre dernier, une enquête dans les villes où elle est présente. Son objectif : établir un état des lieux des actions et des obstacles rencontrés dans le champ sanitaire et social à l’échelle locale et révéler les inégalités territoriales en la matière.
Si les 11 villes de métropole ayant répondu à l’enquête (sur 14 au total) sont dotées d’un centre communal d’action sociale (CCAS) (un seul existe à Mayotte), des disparités existent. La totalité des CCAS de l’échantillon pratiquent une domiciliation généraliste, mais 67 % le font pour les demandes d’aide médicale de l’Etat. Qui plus est selon des conditions parfois limitées (régularité du séjour, interprétation restrictive du lien avec la commune…). Le recours à l’interprétariat n’est, en outre, pas systématique.
La quasi-totalité des villes de métropole ayant répondu sont dotées d’un atelier santé-ville dans les quartiers définis comme prioritaires. Seulement 45 %, en revanche, sont signataires d’un contrat local de santé (CLS) (aucun n’existe à Mayotte et à Saint-Denis de la Réunion), passé entre l’agence régionale de santé (ARS), la préfecture et les collectivités territoriales. A Calais, cependant, « la municipalité refuse (malgré les réquisitions de l’ARS), que la problématique de santé des migrants soit abordée dans le cadre du CLS », rapporte l’association.
Structures permettant d’accéder à des soins de proximité dans le cadre du service public, les centres municipaux de santé sont présents dans près de la moitié des villes interrogées. Aucun n’existe dans celles d’outre-mer. Les permanences d’accès aux soins de santé (PASS) – dont les conseils de surveillance accordent un siège aux représentants des collectivités territoriales – ne sont pas suffisamment déployées et efficaces : « Les besoins ne sont pas couverts et les fonctionnements sont trop hétérogènes. Les PASS spécialisés restent trop rares, en particulier pour la prise en charge des soins pédiatriques et dentaires », relève l’enquête.
Par ailleurs, « l’accès à l’eau et à l’hygiène n’est pas encore une priorité de santé publique ». Beaucoup de fontaines publiques sont, notamment, situées dans des parcs qui ferment la nuit et, sur l’ensemble des villes étudiées, « un bain-douche municipal couvre en moyenne 15 000 ménages pauvres ». L’accès à ces établissements est parfois soumis à certaines conditions, comme à Nice où, selon l’enquête, une pièce d’identité est exigée. Or les besoins sont importants : « A Paris, près d’un million de Parisiens fréquentent, chaque année, l’un des 18 bains-douches municipaux gratuits et sans condition d’accueil », dont deux tiers de sans-abri et un tiers de personnes mal logées.
Autre point préoccupant : « L’élimination des déchets dans les bidonvilles et les squats est problématique pour 60 % des missions interrogées. » Le rapport montre aussi que « 29 % des villes sondées appliquent des arrêtés “anti-mendicité” ou “anti-prostitution” ».
Les dispositifs sanitaires et sociaux locaux sont donc insuffisants et disparates, conclut Médecins du monde, qui formule plusieurs propositions. Tout d’abord renforcer la domiciliation administrative et les dispositifs d’accès aux droits et à la santé, en développant dans les CCAS les postes de travailleurs sociaux, de médiateurs de santé et le recours à l’interprétariat, en impliquant les associations de terrain. L’organisation appelle également les maires à promouvoir le déploiement des PASS, notamment mobiles et spécialisées, ainsi que les structures d’accès aux soins de proximité, « dans le respect du plan pluriannuel contre la pauvreté ». Il appartient aussi aux élus de faciliter l’accès à l’hygiène des plus précaires et d’intégrer ces derniers dans l’espace public. Elle réclame, en outre, une meilleure couverture des besoins dans les territoires d’outre-mer. Les communes « constituent un maillon essentiel dans le développement des projets locaux de santé publique » et, à ce titre, devraient promouvoir les actions partenariales permettant l’accès aux droits et aux soins, résume l’association.