« Cette dernière décennie a été désastreuse pour la justice pénale des mineurs. » D’une part à cause de la révision générale des politiques publiques (RGPP) « conduite avec un acharnement aveugle dans ce secteur » et qui a entraîné une baisse drastique des moyens de la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ) (1), d’autre part « pour des raisons purement idéologiques, qui ont conduit à aligner progressivement la justice pénale des mineurs sur la justice des majeurs : fichage, procédures expéditives, peines planchers… ». Telle est l’opinion du sénateur (PS) Jean-Pierre Michel qui, en juin 2013, a été chargé de dresser le bilan du fonctionnement, de l’organisation et des pratiques de la PJJ (2).
Pour l’élu, il convient notamment de « redéfinir, par décret, les missions de la PJJ à partir de l’ensemble des compétences légales des juridictions pour mineurs : assurer la mise en œuvre de toutes les décisions de l’autorité judiciaire, qu’il s’agisse des mesures d’investigation, de milieu ouvert ou de placement, ordonnées dans le cadre civil ou le cadre pénal, soit directement, soit par l’intermédiaire du secteur associatif habilité ». Et, dans ce cadre, estime-t-il, il faut « redonner au juge des enfants un rôle pivot, garantissant la continuité et la cohérence de l’action judiciaire envers un mineur ». Jean-Pierre Michel préconise également d’« abandonner la politique d’une action pénale exclusive de la PJJ » (3) afin qu’elle puisse se réapproprier sa mission d’assistance éducative auprès des mineurs et des jeunes majeurs et ainsi assurer la continuité de la prise en charge des mineurs les plus en difficulté.
S’agissant de ses méthodes éducatives, la PJJ a cessé d’effectuer les recueils de renseignements socio-éducatifs (RRSE), considérant que l’évaluation des situations des mineurs en danger relevait de la compétence des conseils généraux. Une décision que déplorent les magistrats et les associations car cette mesure permettait d’évaluer rapidement la situation d’un enfant. Le sénateur recommande donc de rétablir la possibilité pour les unités et les permanences éducatives auprès du tribunal de réaliser des RRSE civils afin d’apporter un éclairage sur les situations qui parviennent directement au parquet (enfants victimes de violences intrafamiliales, violences sur mineurs…). Quant à la mesure judiciaire d’investigation éducative (MJIE), présentée comme une mesure innovante, elle n’emporte, selon Jean-Pierre Michel, l’enthousiasme ni de certaines associations – qui auraient préféré le maintien de l’enquête sociale et de la mesure d’investigation et d’orientation éducative – ni des magistrats. Ces derniers ont d’ailleurs, dans la pratique, le plus souvent ordonné des MJIE de courte durée qui répondent à un besoin de vérification rapide et n’exigent pas toujours un caractère pluridisciplinaire. Problème: le prix unitaire d’une MJIE de courte durée est plus élevé qu’une MJIE « normale » (2 630 € en 2013 dans le secteur associatif). Dans ce contexte, le sénateur suggère de « prévoir une MJIE de courte durée pour répondre aux besoins des magistrats, à un coût inférieur à celui de la MJIE “normale” ». Autre préconisation du rapport: expérimenter « rapidement » la mise en place d’« une mesure d’action éducative en milieu ouvert renforcé, permettant une intervention soutenue en milieu familial ». Une mesure de nature à « permettre une action plus efficace, susceptible d’empêcher la dégradation de la situation de certains jeunes et de recourir à des mesures plus contraignantes ».
(1) La RGPP a conduit à une baisse des crédits de la PJJ de près de 6 % entre 2008 et 2012. Ils sont ainsi passés de 804,4 millions d’euros à 757,6 millions.
(2) Son rapport est disponible sur
(3) L’accentuation du recentrage pénal s’est traduite par une hausse de 9 % du nombre de mineurs pris en charge au titre d’une mesure pénale entre 2007 et 2012, tandis que le nombre de mineurs en danger pris en charge a diminué de 32 % et celui des jeunes majeurs de 88 % sur la même période.