Le conseil des ministres a adopté, le 22 janvier, un projet de loi relatif à la formation professionnelle, à l’emploi et à la démocratie sociale, qui traduit notamment, au plan législatif, l’accord national interprofessionnel du 14 décembre dernier (1). Faisant l’objet d’une procédure accélérée (une seule lecture par chambre), il sera débattu à l’Assemblée nationale à partir du 5 février, puis au Sénat à compter du 18 février, et devrait être définitivement adopté d’ici à la fin février, la loi ayant globalement vocation à entrer en vigueur au 1er janvier 2015. Tour d’horizon des principales dispositions.
Le projet de loi permet notamment la mise en œuvre du compte personnel de formation (CPF) (2) et supprime le dispositif du droit individuel à la formation (DIF). Les nouveaux droits acquis au titre de ce compte seront attachés à la personne et ouverts dès son entrée dans la vie professionnelle (16 ans, voire 15 dans le cadre d’un contrat d’apprentissage) et jusqu’à son départ à la retraite. Ils seront comptabilisés en heures et mobilisés volontairement par la personne, qu’elle soit salariée ou demandeuse d’emploi, afin de suivre une formation. Le compte sera crédité chaque année, dans la limite de 150 heures sur neuf ans. Au-delà, des abondements supplémentaires pourront être effectués (par l’employeur, le salarié, l’organisme paritaire collecteur agréé, Pôle emploi, les conseils régionaux…). Le CPF donnera accès à des formations qualifiantes visant à acquérir des compétences attestées en lien avec les besoins de l’économie et inscrites sur une liste. A noter que, si le compte personnel de formation a vocation à remplacer le DIF à compter du 1er janvier 2015, les heures non consommées à ce titre devraient pouvoir être utilisées jusqu’en 2021 dans les mêmes conditions que pour le CPF.
Par ailleurs, le salarié pourra, tous les deux ans, bénéficier d’un entretien professionnel avec son employeur consacré à ses perspectives d’évolution professionnelle, notamment en termes de qualifications et d’emploi. L’entretien sera systématiquement proposé au salarié qui reprend son activité à l’issue d’une longue absence (congé de maternité, congé parental d’éducation, congé de soutien familial, congé d’adoption, période de mobilité volontaire sécurisée…). Tous les six ans, un bilan du parcours professionnel du salarié dans l’entreprise sera effectué avec l’employeur afin de s’assurer qu’il a suivi au moins une action de formation, bénéficié d’une progression salariale ou professionnelle, ou encore acquis des éléments de certification par la formation ou par une validation des acquis de son expérience. A défaut, dans les entreprises de plus de 50 salariés, le CPF du salarié sera abondé en conséquence.
Le projet de loi encourage également par une série de mesures le développement de la formation. Ainsi, il :
→ reconnaît la pratique de la formation à distance, qu’il tend à encadrer ;
→ étend la notion d’actions de formation, notamment aux formations destinées à permettre aux bénévoles et aux personnes en service civique du mouvement coopératif, associatif ou mutualiste d’acquérir les compétences nécessaires à l’exercice de leurs responsabilités ou à celles destinées aux salariés en arrêt de travail du fait d’une maladie, d’un accident ou d’une maladie professionnelle ;
→ ouvre la préparation opérationnelle à l’emploi à de nouveaux publics. Ainsi, les salariés en contrat unique d’insertion (CUI) ou relevant d’une structure d’insertion par l’activité économique (IAE) pourront désormais accéder à ce dispositif pour suivre une formation de préparation à la prise de poste ;
→ rend accessibles les périodes de professionnalisation aux salariés en CUI ou relevant de structures de l’IAE.
Par ailleurs, le projet de loi recentre les périodes de professionnalisation sur les formations qualifiantes ou certifiantes, tout en laissant la porte ouverte à des formations visant l’acquisition du socle de compétences.
A noter que le rôle des régions sera également renforcé en matière d’apprentissage. Les conseils régionaux seront désormais compétents en matière de formation professionnelle envers tous les publics privés d’emploi et coordonneront l’achat public de formation.
Afin d’éviter toute dérive, le projet de loi consacre le principe selon lequel aucune contrepartie financière ne peut être réclamée aux parties au contrat d’apprentissage à l’occasion de sa conclusion, de son enregistrement et de sa rupture. Un principe de gratuité qui s’applique aussi aux organismes gestionnaires de centres de formation d’apprentis et de sections d’apprentissage qui ne pourront conditionner l’inscription d’un apprenti au versement, par son employeur, d’une contribution financière de quelque nature qu’elle soit. Le texte réaffirme également l’obligation de tutorat. Il introduit enfin la possibilité de conclure un contrat d’apprentissage dans le cadre d’un contrat à durée indéterminée sans remettre en cause la protection particulière dont bénéficie l’apprenti pendant sa période de formation théorique et pratique.
Le projet de loi prévoit par ailleurs de rationaliser le réseau des organismes collecteurs de la taxe d’apprentissage aux niveaux national et régional : une vingtaine au niveau national et un par région, au lieu de près de 150 au total actuellement.
Enfin, les missions des centres de formation pour apprentis seront renforcées.
Le projet de loi pose le principe d’une contribution unique versée à un unique organisme paritaire collecteur agréé (OPCA) des entreprises dans le cadre du financement de la formation (au lieu de trois contributions actuellement versées à plusieurs organismes collecteurs). Le montant de cette contribution pourra être fixé à 0,55 % minimum par an dans les entreprises de moins de 10 salariés et à 1 % minimum par an de la masse salariale pour celles accueillant plus de 50 salariés, dont une partie serait mutualisée au bénéfice des petites entreprises. Un financement spécifiquement dédié au compte personnel de formation, à hauteur d’au moins 0,2 % de la masse salariale, est également prévu dans toutes les entreprises de dix salariés et plus. Pour le ministre du Travail, il s’agit surtout de passer d’une « obligation de financer » à une « obligation de faire ». Autre objectif affiché : « simplifier et optimiser le financement de la formation professionnelle afin qu’elle puisse mieux bénéficier aux publics fragiles et que les dépenses de formation soient davantage considérées par les entreprises comme des investissements ».
Voulu comme un « tout cohérent » par Michel Sapin, le projet de loi traite aussi de la question de la représentativité patronale et en pose les futurs critères, le principal étant l’audience appréciée par le nombre d’entreprises adhérentes: au moins 8 % des adhérents aux organisations professionnelles dans une même branche. En outre, syndicats et patronats seront financés via un fonds abondé à la fois par les entreprises et l’Etat. Les partenaires sociaux seront financés pour leur rôle dans la gestion des organismes paritaires (formation professionnelle, Unedic…) et leur participation à la conception des politiques publiques. A noter que des crédits seront alloués aux syndicats pour la formation des syndicalistes.
Le financement des comités d’entreprise, la diminution des branches professionnelles, ou encore la réforme de l’inspection du travail sont également traités dans le cadre du projet de loi.
(1) Voir ASH n° 2838 du 20-12-13, p. 16.
(2) Pour mémoire, le compte personnel de formation a été créé par l’ANI du 11 janvier 2013 et la loi du 14 juin 2013 relatifs à la sécurisation de l’emploi, puis développé par les partenaires sociaux dans le cadre de l’ANI du 14 décembre dernier.