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L’exclusion des contrats aidés dans le calcul des effectifs est contraire au droit européen… mais s’applique quand même

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L’article L. 1111-3 du code du travail, qui exclut les titulaires de contrats aidés – y compris les contrats d’apprentissage et de professionnalisation – du calcul des effectifs de l’entreprise, est contraire au droit de l’Union européenne. Toutefois, techniquement, cette disposition ne peut pas être écartée par le juge français. C’est ce qu’a décidé, le 15 janvier, la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE).

Une disposition pourtant jugée conforme à la Constitution

L’affaire soumise à la Cour opposait une association de médiation sociale et de prévention de la délinquance de Marseille, qui emploie une centaine de salariés, à l’Union locale des syndicats CGT. L’association contestait la désignation par le syndicat d’un représentant de section syndicale au motif que, après avoir déduit, en application de l’article L. 1111-3 du code du travail, tous les salariés en contrats aidés de son effectif, celui-ci était inférieur à 11 salariés, ce qui excluait de facto toute représentation obligatoire du personnel en son sein (1). Elle a alors saisi, en juin 2010, le tribunal d’instance de Marseille pour faire annuler la désignation du représentant syndical. A cette occasion, une question prioritaire de constitutionnalité portant sur l’article L. 1111-3 du code du travail a été soulevée. En avril 2011, le Conseil constitutionnel y a répondu en déclarant cet article conforme à la Constitution française (2). A la suite de cette décision, la CGT a alors fait valoir devant le tribunal d’instance que l’article L. 1111-3 du code du travail était contraire au droit de l’Union européenne. Le 7 juillet 2011, le juge d’instance a fait droit à cette argumentation et écarté l’application de cet article. L’association a alors formé un pourvoi devant la Cour de cassation, qui a décidé de surseoir à statuer et d’interroger la CJUE sur la conformité de l’article L. 1111-3 du code du travail avec :

→ l’article 27 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, qui garantit aux travailleurs le droit à une information et une consultation en temps utile ;

→ la directive européenne 2002/14/CE du 11 mars 2002, qui précise l’article 27 de la charte en établissant un cadre général relatif à l’information et la consultation des travailleurs.

Une violation du droit européen…

La Cour de justice de l’Union européenne commence par répondre que l’article litigieux n’est pas conforme à l’article 3 §1 de la directive 2002/14/CE du 11 mars 2002 qui prévoit que les Etats membres déterminent le mode de calcul des seuils de travailleurs employés déclenchant les obligations de représentation du personnel. Selon elle, en effet, la marge de manœuvre ainsi laissée aux Etat membres pour déterminer les seuils d’effectifs ne doit pas avoir pour conséquence de soustraire certains employeurs aux obligations prévues par la directive en matière de représentation du personnel. En conséquence, estime la Cour, une législation nationale « qui exclut du calcul des effectifs de l’entreprise une catégorie déterminée de travailleurs […] ôte ainsi à cette directive son effet utile », qui est justement d’assurer l’information et la consultation des travailleurs au travers de leurs représentants. Cette décision n’est pas vraiment surprenante dans la mesure où, en 2007, la CJUE avait déjà épinglé la France pour l’exclusion des moins de 26 ans du décompte des effectifs des entreprises (3).

… qui ne peut toutefois être invoquée directement dans un litige

C’est en fait dans la seconde partie de sa décision que la CJUE apporte une précision importante. La Cour de cassation lui demandait en effet si l’article 27 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, tel que précisé par la directive du 11 mars 2002, pouvait être invoqué directement devant une juridiction française par un salarié ou un syndicat en cas de litige avec un employeur afin de vérifier la conformité au droit européen d’une mesure nationale et, le cas échéant, d’en écarter l’application. Une question à laquelle la Haute Juridiction européenne répond par la négative en s’appuyant sur plusieurs jurisprudences constantes. Elle relève notamment que l’interdiction d’exclure du calcul des effectifs de l’entreprise une catégorie déterminée de travailleurs ne peut être déduite du libellé de l’article 27 de la charte, qui ne se suffit pas à lui-même pour conférer aux particuliers un droit invocable en tant que tel. Seul, ou en combinaison avec les dispositions de la directive 2002/14/CE, il ne peut donc être invoqué dans un litige entre particuliers dans le but de laisser inappliquée une disposition nationale incompatible avec le droit européen, tel que l’article L. 1111-3 du code du travail.

La possibilité d’obtenir réparation

La Cour de justice de l’Union européenne précise toutefois que la partie lésée par la non-conformité de l’article L. 1111-3 du code du travail au droit de l’Union – c’est-à-dire, en l’espèce, les salariés privés de représentants du personnel et les syndicats – peut se retourner contre l’Etat pour obtenir, le cas échéant, réparation du dommage subi.

Mais, au final, seule une modification de la législation française permettra de se mettre en conformité avec le droit européen.

[CJUE, 15 janvier 2014, aff. C-176/12, disponible sur http://curia.europa.eu]
Notes

(1) Selon le code du travail, l’élection de délégués du personnel est en effet obligatoire dans les entreprises comptant au moins 11 salariés. Quant à la désignation d’un représentant syndical et à la mise en place d’un comité d’entreprise, elles ne sont obligatoires que dans les entreprises d’au moins 50 salariés.

(2) Voir ASH n° 2708 du 6-05-11, p. 13.

(3) Voir ASH n° 2491 du 26-01-07, p. 10.

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