Conçu pour accompagner les sortants de la protection de l’enfance au-delà de leur minorité – ainsi que les 18-21 ans non issus de l’ASE quand ils sont confrontés à des « difficultés d’insertion sociale faute de ressources ou d’un soutien familial suffisant » (1) –, le contrat jeune majeur peut prendre différentes formes et notamment inclure hébergement, suivi éducatif et aide financière – on parle alors d’accueil provisoire jeune majeur (APJM). Au 31 décembre 2012, 17 550 jeunes bénéficiaient d’un APJM (2). Comme la prise en charge des 18-21 ans n’est pas une obligation pour les départements, il y a une grande hétérogénéité des politiques en la matière. Néanmoins, économies obligent, la tendance est à la sélectivité dans l’attribution des aides. Aussi, certains jeunes majeurs se retrouvent dans des situations de précarité alarmante. Alors même qu’il y a « peu de possibilités de soutien alternatif au soutien parental », les contrats jeunes majeurs « sont trop souvent des variables d’ajustement budgétaire », déplore Marie Derain, défenseure des enfants (3).
L’Association des directeurs/trices et cadres d’associations, d’établissements et de services associatifs concourant à la protection de l’enfance de Paris (Adape) est née fin 2012 d’une mobilisation contre « un durcissement subit des règles de signature des contrats jeunes majeurs » conduisant à en diminuer « drastiquement le nombre et la durée », explique Xavier Florian, son président. Par exemple, un adolescent qui arrive à l’ASE à l’âge de 17 ans – et a fortiori un primo-entrant majeur – n’a pratiquement aucune chance d’avoir accès à un APJM, sauf situation exceptionnelle comme celle de jeunes filles menacées de mariage forcé. Quant aux détenteurs d’un contrat jeune majeur, ils voient « systématiquement être mis fin à celui-ci trois mois après leur obtention d’un premier diplôme », ce qui ne leur permet pas de poursuivre une formation en passant par exemple d’un CAP à un bac professionnel. « L’ASE est en train de fabriquer une génération de sous-qualifiés, c’est un renversement complet des pratiques ! », s’insurge Xavier Florian. Romain Lévy, adjoint au maire de Paris chargé de la protection de l’enfance, explique, de son côté, qu’il a été nécessaire de prendre des « mesures urgentes et temporaires » face à l’accroissement du nombre de mineurs confiés à l’aide sociale à l’enfance de Paris – essentiellement des mineurs isolés étrangers (MIE) –, « pris en charge dans le cadre de nos compétences obligatoires » (4). Pour autant, « l’effort consenti » pour soutenir les jeunes majeurs – y compris ceux admis comme MIE – « reste inégalé », souligne Romain Lévy : fin 2012, plus du quart des enfants et adolescents accompagnés par l’ASE l’étaient dans le cadre d’un contrat jeune majeur, « contre 13,5 % au niveau national et 19,5 % pour les départements de la région Ile-de-France ». L’élu a néanmoins demandé un audit à l’inspection générale de la ville pour mettre à plat le dispositif parisien et voir ce qui se fait ailleurs.
Par exemple, certains conseils généraux décernent des aides au-delà de 21 ans aux jeunes sortant de la protection de l’enfance pour qu’ils puissent poursuivre des études ou une formation professionnelle qualifiante. Ainsi, dans le Var, le contrat jeune majeur, qui est ici exclusivement réservé aux 18-21 ans accueillis à l’ASE durant leur minorité, peut continuer jusqu’à 25 ans. Une dizaine de jeunes bénéficient chaque année d’un accompagnement et d’une allocation maximale de 609 € par mois (versée sur dix mois), pouvant compléter les aides de droit commun. Dans le même esprit, avec la même condition – avoir été confié à l’aide sociale à l’enfance durant sa minorité – et pour un montant maximal annuel équivalent, les 21-27 ans des Hauts-de-Seine peuvent prétendre à une bourse départementale s’ils font des études supérieures.
En Gironde, le contrat d’accompagnement personnalisé pour les jeunes (Cap’J) cible la lutte contre l’exclusion. Instauré en 2008, il s’agit d’une sorte de « Garantie jeunes » avant l’heure (5). Ecartant les étudiants, ainsi que les titulaires d’une allocation aux adultes handicapés ou du revenu de solidarité active, Cap’J est destiné aux 18-25 ans en grande difficulté, issus ou non de l’ASE. Complémentaire aux aides de droit commun, Cap’J combine accompagnement social et allocation financière (environ 250-300 € par mois) sur un maximum de 18 mois consécutifs ou non : il peut y avoir des ruptures, puis des reprises de parcours, ou bien des contrats suspendus un mois ou deux quand le bénéficiaire est en emploi.
Dans la Loire-Atlantique, le contrat de soutien à l’autonomie des jeunes, qui existe depuis 2004, répond au même principe d’indifférenciation de l’aide à tous les moins de 25 ans en situation de vulnérabilité. Le contrat jeune majeur a été remplacé par ce contrat unique accessible aux jeunes protégés qui atteignent l’âge de la majorité et aux autres à partir de 16 ans (6).
(1) Article L.225-5 du code de l’action sociale et des familles.
(2) DREES – Etudes et résultats n° 858 – Novembre 2013.
(3) Intervenant lors d’une journée d’étude sur la transition à l’âge adulte, organisée par l’ONED le 10 octobre 2013.
(4) Courrier du 7 mars 2013 publié sur le site de l’Adape :
(5) Voir ASH n° 2827 du 4-10-13, p. 40.
(6) Voir ASH n° 2657 du 30-04-10, p. 24.