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Housing first : « Montrer l’utilité d’investir dans un dispositif adapté »

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Depuis 2011, la France expérimente la méthodologie novatrice du « housing first » développée aux Etats-Unis et au Canada. Bilan d’étape avec Pascale Estecahandy, coordinatrice nationale à la délégation interministérielle à l’hébergement et à l’accès au logement.
Quels sont les principes du programme ?

Déployé dans la métropole lilloise (1), à Marseille, Toulouse et Paris, il est porté par des structures sanitaires, sociales ou médico-sociales et des organismes agréés pour la gestion de l’intermédiation locative qui ont répondu à un appel à projets national. L’objectif est d’expérimenter et d’évaluer une méthode d’accès et de maintien dans le logement, d’accès aux droits, aux soins et à la citoyenneté de personnes sans abri, vivant avec des troubles psychiques sévères et présentant des « besoins élevés » (addictions, périodes d’incarcération ou d’hospitalisation répétées). L’accès direct au logement, en moyenne sous dix jours, se fait dans le parc privé en diffus dans le quartier de la ville choisi par les personnes, sans condition de traitement ou d’abstinence. Seuls prérequis pour elles : avoir des droits potentiels, accepter de rencontrer l’équipe de suivi une fois par semaine et de payer le loyer résiduel dès qu’elles ont des ressources. Les personnes sont, par tirage au sort, intégrées soit dans un groupe témoin et continuent d’être prises en charge par les dispositifs classiques (2), soit à l’offre « Un chez soi d’abord ». Toutes ont signé un consentement éclairé et rencontrent les enquêteurs-chercheurs tous les six mois pendant 24 mois.

Quelles innovations dans les pratiques ?

Le programme se fonde sur la théorie du « rétablissement », selon lequel présenter une pathologie psychique sévère ne doit être ni un stigmate, ni une fatalité. Des « médiateurs de santé pairs » qui, dans les équipes pluridisciplinaires de suivi intensif (11 équivalents temps plein pour 100 personnes), apportent leur savoir expérientiel, en sont la preuve vivante. Le programme permet de décloisonner les interventions et d’établir des partenariats entre l’Etat et les collectivités territoriales. L’accompagnement ne part pas des difficultés, mais des potentiels, ne repose pas sur un référent unique mais sur un « plateau de services » auquel la personne recourt selon les objectifs qu’elle a elle-même posés. Les contacts peuvent être très rapprochés, sachant qu’une astreinte est organisée tous les jours 24 heures sur 24. Nous commençons aussi à mettre en place des conditions favorables à la participation des personnes. Sur certains sites, des comités de locataires se sont ainsi créés.

Où en est le programme ?

Fin février, toutes les personnes seront entrées dans le dispositif. L’objectif est d’en faire bénéficier 100 par site, sauf à Paris où cette ambition a été revue à la baisse compte tenu des difficultés à capter des logements. Nous sommes en train de négocier la prolongation de l’arrêté d’expérimentation pour mener à son terme – fin 2015 – le suivi des personnes entrées au début de l’année 2014. Nous disposons d’ores et déjà d’éléments d’observation qui devront être validés par les données de la recherche évaluative.

Quels sont-ils ?

80 % des personnes – plutôt des hommes, en moyenne âgés de 38 ans – se maintiennent dans le logement et, pour l’essentiel d’entre elles, paient le loyer résiduel, ont de plutôt bonnes relations avec le voisinage, se sont inscrites à des activités culturelles ou de loisirs, ont des liens avec leur famille ou des amis. Cela correspond aux résultats des expérimentations menées outre-Atlantique. Parmi elles, les équipes estiment que 62 % ont une réelle autonomie dans le logement. 70 % ont été accompagnées vers des soins et 12 % vers un emploi ou une formation professionnelle. Autre enseignement : l’absence de critères prédictifs à la « capacité d’habiter ». Cela fonctionne pour des personnes pour qui on ne l’imaginait pas, et inversement ! Au-delà de l’accès aux soins et de l’inclusion sociale, l’expérimentation a des conséquences sur l’amélioration du vivre-ensemble, la sécurité, la déstigmatisation du handicap psychique.

A quels résultats espérez-vous parvenir ?

L’évaluation prévue fin 2015 devra démontrer à la puissance publique l’utilité d’investir dans un dispositif adapté aux besoins d’un public réputé « sans solution », en s’appuyant sur la qualité du service rendu et l’utilisation optimale des fonds publics. A titre d’exemple, à Toulouse, une personne était passée plus de 100 fois par les urgences avant de rejoindre le dispositif !

Notes

(1) Voir notre reportage sur le dispositif lillois dans les ASH n° 2750 du 9-03-13, p. 32 et notre enquête sur l’ensemble de l’expérimentation dans les ASH n° 2811 du 24-05-13, p. 22.

(2) Elles reçoivent une contrepartie en tickets service pour les dédommager du temps passé en entretien.

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